(Kafr Halab) Au moins 21 civils dont neuf enfants ont été tués mardi par des bombardements du régime syrien contre des territoires aux mains des djihadistes dans les provinces d’Idleb et d’Alep, des secteurs pilonnés sans cesse depuis un mois, selon une ONG.

Rien que depuis dimanche, les frappes du régime et de l’allié russe ainsi que les tirs d’artillerie sur ces régions du nord-ouest du pays en guerre ont tué une cinquantaine de civils, dont de nombreux enfants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Et les bilans meurtriers se succèdent quasi-quotidiennement, alors que plusieurs hôpitaux ou écoles ont été mis hors-service par les bombardements.

La grande partie de la province d’Idleb, ainsi que des secteurs des provinces voisines de Hama, d’Alep et de Lattaquié sont tenus par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche d’Al-Qaïda). Les prorégime contrôlent une partie du sud-est et de l’est d’Idleb, ainsi que la grande majorité des trois autres provinces.

Le régime de Bachar al-Assad n’a pas annoncé une offensive à proprement parler contre HTS, mais il a intensifié les bombardements contre les secteurs djihadistes et livré des combats au sol depuis fin avril, parvenant à reprendre plusieurs secteurs dans le sud de la province d’Idleb et dans le nord de Hama.

Mardi, au moins 21 civils dont neuf enfants ont été tués dans les raids dans Idleb et Alep, selon l’OSDH. Dans la localité de Kafr Halab, dans l’ouest de la province d’Alep, neuf civils ont péri sur une rue commerçante.

Celle-ci était bondée au moment de la frappe, quelques heures avant la rupture du jeûne du mois sacré musulman du ramadan.

Des morceaux de chair gisaient au sol, alors que des voitures et des commerces ont été entièrement détruits, les rideaux de fer des devantures tordus au milieu des décombres calcinés.

Hôpital hors-service

Les habitants ont enterré les victimes dans le cimetière de la localité, les hommes transportant les corps et récitant les prières funèbres avant l’inhumation.

Au milieu des champs dans l’ouest de la province d’Alep, des champignons de fumée grise s’élevaient dans le ciel après les bombardements du régime.

Depuis fin avril, plus de 250 civils dont une cinquantaine d’enfants ont péri dans les bombardements du régime et de l’allié russe, selon l’OSDH. Et plus de 200 000 personnes ont été déplacées, d’après l’ONU.

Mardi, dans le sud de la province d’Idleb, un hôpital de la localité de Kafranbel a été touché par des tirs d’artillerie, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, qui a fait état d’importants dégâts.

«L’hôpital est totalement hors-service. Ses équipements, ses appareils» sont endommagés, a dit son directeur administratif, Majed al-Akraa. «La frappe était très violente. Les générateurs ont pris feu, ma voiture a pris feu, les bureaux» aussi.

Au moins 20 établissements médicaux ont été touchés depuis fin avril, de même que plusieurs écoles, selon l’ONU.

Risque de «catastrophe humanitaire»

La province d’Idleb est le dernier grand bastion djihadiste en Syrie qui échappe quasi-totalement au contrôle du régime.

Elle fait l’objet depuis septembre 2018 d’un accord entre Moscou et Ankara qui soutient certains groupes rebelles, sur une «zone démilitarisée» devant séparer les territoires insurgés des zones gouvernementales attenantes.

Partiellement appliqué en raison du refus des djihadistes de se retirer de la future zone tampon, cet accord avait permis d’éviter une offensive d’envergure de l’armée syrienne. Mais le régime a continué de mener des raids par intermittence avant de les intensifier à partir de fin avril.

Soutenu par la Russie mais aussi l’Iran et le mouvement libanais Hezbollah, le pouvoir syrien a multiplié les victoires face aux rebelles et aux djihadistes ces deux dernières années, jusqu’à reprendre le contrôle de près des deux-tiers du territoire.

Ces dernières semaines, les appels à un arrêt des hostilités dans le nord-ouest syrien se sont multipliés et l’ONU a tiré la sonnette d’alarme sur le risque d’une «catastrophe humanitaire» à Idleb.

Mardi, la France a dit, sans autres précisions, disposer d’un «indice sur l’usage de l’arme chimique dans la zone d’Idleb» mais sans «vérification» pour l’instant. Le 22 mai, les États-Unis avaient aussi fait état d’«indications» selon lesquelles le régime Assad aurait mené une «attaque» au chlore le 19 mai dans le nord-ouest de la Syrie, menaçant de représailles.

Le pouvoir syrien a démenti à chaque fois toute responsabilité dans des attaques chimiques qui lui ont été attribuées pendant le conflit.

Déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, la guerre qui s’est complexifiée au fil des ans avec l’implication de multiples acteurs, a fait plus de 370 000 morts, selon l’OSDH, et déplacé plusieurs millions de personnes.