Les forces gouvernementales au Yémen appuyées par une coalition sous commandement saoudien ont bombardé de nouveau intensément mardi la ville de Hodeida aux mains des rebelles, suscitant de vives inquiétudes pour les civils, dont de nombreux enfants pris au piège des violences.

Cinq jours de pilonnage, de raids aériens et d'affrontements au sol entre forces loyalistes et rebelles Houthis ont fait au moins 150 morts de part et d'autre, selon des sources médicales et militaires.

Située dans l'ouest du pays ravagé par la guerre depuis 2015 et en proie selon l'ONU à la pire crise humanitaire au monde, la ville portuaire de Hodeida est stratégique : près des trois quarts de l'aide humanitaire entrant au Yémen y transitent.

Les combats au sol ont lieu surtout autour de la ville de Hodeida, mais les bombardements et les tirs d'artillerie visent la cité même, où sont retranchés les rebelles chiites Houthis.

Aussi bien les affrontements que les frappes aériennes se sont poursuivis en soirée avec la même intensité, selon les deux camps.

La coalition antirebelles, dont les deux piliers sont l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, a nié avoir l'intention de lancer une offensive sur cette cité en bord de la mer Rouge, précisant que les opérations visaient à « élargir des périmètres de sécurité ».

Mais des responsables des forces progouvernementales yéménites ont fait état de tentatives d'encercler la ville et de couper des voies d'approvisionnement des Houthis.

Évoquant « l'intensification des combats à Hodeida », l'organisation Médecins sans frontières (MSF) s'est inquiétée des conséquences pour « les malades et le personnel de l'hôpital Al-Salakhana, et pour les milliers d'habitants restés dans la ville ».

« En danger de mort »

Le Fonds de l'ONU pour l'enfance (UNICEF) a affirmé que la vie de 59 enfants dans un autre hôpital de Hodeida, Al-Thawra, était menacée par les combats.

« Les combats intenses se sont rapprochés dangereusement de l'hôpital Al-Thawra, ce qui met en danger de mort 59 enfants, dont 25 sont en soins intensifs », a-t-elle affirmé.

« Le personnel médical et les patients à l'hôpital ont confirmé qu'ils entendaient le bruit de bombardements et d'échanges de tirs intenses. L'accès de et vers l'hôpital, le seul opérationnel dans le secteur, est désormais dangereux », a-t-elle ajouté.

L'UNICEF, qui avait qualifié le pays d'« enfer sur terre » pour des millions d'enfants, a appelé « à mettre fin aux combats près et autour de l'hôpital [...] et à cesser d'attaquer les infrastructures civiles, y compris le port de Hodeida ».

L'ONG Norwegian Refugee Council a averti que l'intensification des violences risquait de « détériorer davantage l'accès des civils à l'aide ».

La crise humanitaire s'aggrave au Yémen, où 14 millions de personnes sont en situation de préfamine selon l'ONU, qui tente par ailleurs de relancer des pourparlers de paix d'ici fin novembre.

De précédents pourparlers pour trouver une solution politique n'ont enregistré aucun progrès.

En 2015, l'Arabie saoudite sunnite, voisine du Yémen, a pris la tête d'une coalition militaire pour aider le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi à stopper une offensive des Houthis, soutenus par l'Iran chiite, puissance régionale rivale du royaume saoudien.  

La semaine dernière, les États-Unis ont pressé leur allié saoudien d'accélérer un règlement politique au Yémen, après que l'affaire Jamal Khashoggi, du nom de ce journaliste saoudien tué le 2 octobre au consulat de son pays à Istanbul, a considérablement affaibli la diplomatie saoudienne.  

Impasse

Depuis plusieurs mois, la coalition antirebelles donne l'impression d'être dans une impasse militaire.

Le pays est de fait quasiment divisé en deux, les forces progouvernementales contrôlant le sud et une bonne partie du centre et les rebelles la capitale Sanaa ainsi que le nord et une bonne partie de l'ouest.

Outre la dévastation et la crise humanitaire, l'économie du pays est en lambeaux : le riyal, la monnaie locale, a perdu plus de 36 % de sa valeur en 2018, malgré un dépôt saoudien de deux milliards de dollars à la Banque centrale.

La chute du riyal a provoqué une forte hausse des prix des produits de base, en particulier des denrées alimentaires et du carburant, plaçant des millions de personnes en situation de détresse.

La guerre au Yémen a fait quelque 10 000 morts selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais des responsables humanitaires estiment que le bilan réel des victimes est bien plus élevé.