L'Allemagne s'est dite prête samedi à un éventuel gel de ses exportations d'armes vers l'Arabie saoudite, à la suite des explications jugées « insuffisantes » de Riyad sur la mort à Istanbul du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Beaucoup de questions restent sans réponses après le meurtre début octobre du journaliste au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. « Tant que ces questions resteront ouvertes, je ne peux pas m'imaginer qu'il y a une base positive au sein du gouvernement allemand pour approuver des exportations d'armes vers l'Arabie saoudite », a déclaré samedi soir le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, dans une entrevue à la chaîne de télévision allemande ARD.

Berlin a par ailleurs jugé « insuffisantes » les explications de l'Arabie saoudite, dans un communiqué conjoint de la chancelière Angela Merkel et du chef de la diplomatie allemande.

Riyad a admis, 17 jours après la disparition de Jamal Khashoggi, que le journaliste saoudien avait été tué à l'intérieur du consulat du royaume à Istanbul, sans toutefois révéler d'informations permettant de localiser son corps.

Tant Mme Merkel que M. Maas ont condamné cet acte « avec la plus grande fermeté » et ont dit attendre de l'Arabie saoudite « la transparence sur les circonstances de la mort et ses raisons de fond », et que soient retrouvés « les responsables » de cette mort.

Cet assassinat a mis le gouvernement d'Angela Merkel sous pression en raison des importantes exportations d'armes vers l'Arabie saoudite.

« La relation avec l'Arabie saoudite doit être mise à l'épreuve après de tels faits incroyables », ce qui comprend les ventes d'armes, réclame de son côté Andrea Nahles, cheffe du Parti social-démocrate, qui gouverne l'Allemagne avec les conservateurs de Mme Merkel, dans une entrevue à paraître dimanche dans le Bild am Sonntag.

L'Allemagne a délivré au 30 septembre des licences d'exportation d'une valeur de 630,51 millions de dollars vers l'Arabie saoudite pour 2018, n'étant devancée que par l'Algérie avec 1122,48 millions de dollars.

Mme Nahles a toutefois défendu ces autorisations, précisant qu'il s'agissait en grande partie de bateaux patrouilleurs commandés et approuvés il y a des années. « Parce que nous avons l'assurance qu'ils resteront dans le pays, ils sont couverts par l'accord de coalition », a-t-elle ajouté.

La disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi a par ailleurs conduit à des annulations en série de décideurs économiques et politiques du monde entier à participer à une conférence économique organisée à partir du 23 octobre, à Riyad, par le fonds souverain saoudien.

Ayant longtemps tergiversé, le patron de la première banque allemande, Deutsche Bank, Christian Sewing, ne se rendra finalement pas à la manifestation, a appris l'AFP auprès de sources financières.

Joe Kaeser, le patron du conglomérat Siemens, l'un des principaux commanditaires de ce forum, baptisé le « Davos du désert », n'a pas encore annulé sa participation, mais il se retrouve de plus en plus esseulé dans sa position.

« Je ne participerais certainement pas en ce moment à un événement à Riyad », a estimé M. Maas, Mme Nahles espérant quant à elle que « M. Kaeser y repensera une nouvelle fois ».

Bien des questions « sans réponse », dit Paris



Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré samedi que les explications données par Riyad ne répondaient pas à toutes les questions et a réclamé une « enquête exhaustive et diligente ».

« La confirmation de la mort de M. Jamal Khashoggi est un premier pas vers l'établissement de la vérité. De nombreuses questions restent toutefois sans réponses », a-t-il indiqué dans une déclaration écrite en condamnant « ce meurtre avec la plus grande fermeté ».

Ces questions « nécessitent une enquête exhaustive et diligente pour établir l'ensemble des responsabilités et permettre que les responsables du meurtre de Jamal Khashoggi répondent de leurs actes », a ajouté le ministre.

« Ces attentes sont d'autant plus fortes que nos deux pays sont liés par un partenariat stratégique, qui implique franchise, exigence et transparence », a-t-il encore relevé.