Une situation «différente», du «jamais vu» : les responsables de l'OTAN se sont emparés du cessez-le-feu annoncé par le président afghan Ashraf Ghani pour multiplier vendredi les superlatifs sur la situation en Afghanistan, voulant croire à une solution négociée pour ce conflit vieux de près de 17 ans.

Alors que les attentats se multiplient à Kaboul et que, selon un rapport indépendant américain, le gouvernement afghan ne contrôle que 56,3% du territoire, les talibans sont restés jusqu'ici sourds aux offres de paix du président afghan Ashraf Ghani.

Mais sous la pression du président américain Donald Trump, qui a un temps envisagé un retrait militaire d'Afghanistan avant d'opter pour une nouvelle stratégie basée sur la formation des forces afghanes, l'OTAN se veut optimiste après l'annonce surprise d'un cessez-le-feu unilatéral du président afghan.

Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg s'est félicité de cette annonce et a appelé les talibans à «s'asseoir à la table des négociations» avec le gouvernement afghan.

Le commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Curtis Scaparrotti, a assuré que croire à des négociations entre le gouvernement afghan et les talibans n'est pas prendre ses désirs pour des réalités. «Je ne pense pas que c'est un voeu pieux. Je pense que les talibans sont sous pression en ce moment», a-t-il dit.

«Cela fait des années que je m'occupe de cette question et personnellement je sens que la situation est différente aujourd'hui, et qu'il y a peut-être plus de potentiel pour» une solution négociée, a ajouté le général américain. «Avant, les talibans avaient beaucoup de cohésion sur ce sujet. Maintenant, on voit qu'il y en a qui veulent parler», a-t-il assuré.

Cessez-le-feu unilatéral

Le président Ghani a offert fin février aux talibans de devenir un parti politique s'ils acceptent un cessez-le-feu et reconnaissent la Constitution de 2004.

Les talibans n'ont pas répondu officiellement. Mais ils ont continué les attentats meurtriers, ciblant en priorité les forces de sécurité, police et armée depuis le début du ramadan, tout en continuant de se battre âprement dans les provinces de Farah (Ouest) et Ghazni (Centre-Est).

Jeudi, M. Ghani a annoncé un cessez-le-feu unilatéral et temporaire avec les talibans pour la fin du ramadan. Vraisemblablement du mardi 12 au mercredi 20 juin.

Il a expliqué que son offre, inédite à l'occasion d'une fête religieuse, et dont on ignore si elle sera respectée par les insurgés, était consécutive à la fatwa de 3000 oulémas afghans déclarant les attaques-suicide «haram» (interdites) et recommandant un cessez-le-feu aux belligérants.

«Pour quelqu'un qui a été en Afghanistan ou a travaillé sur le dossier afghan pendant plusieurs années, je peux vous dire que je vois des choses que je n'avais jamais vues avant», s'est exclamé un autre responsable de l'OTAN ayant requis l'anonymat.

Pressé de donner des détails, il a mentionné la décision des oulémas et une marche de protestation d'un petit groupe de militants pacifistes afghans de la ville de Lashkar Gah, dans la province du Helmand, à Kaboul, 630 km plus loin.

Or les manifestants, qui se trouvaient jeudi près de la ville de Ghazni, à quelque 150 km de Kaboul, n'étaient que huit, même si d'autres personnes se sont jointes temporairement à eux sur le chemin. En début d'année, ces mêmes militants avaient fait une grève de la faim et une occupation des lieux à Lashkar Gah, mais ils n'avaient alors jamais rassemblé plus d'une douzaine de personnes.

Cela n'a pas empêché le commandant des Forces américaines et de l'OTAN en Afghanistan, le général John Nicholson, de qualifier vendredi leur mouvement de «populaire» et de comparer la situation en Afghanistan aux dernières phases des guerres civiles d'Irlande du Nord ou de Colombie.

«Toutes les guerres ont une fin», a-t-il rappelé. «Et quand on étudie la façon dont les guerres finissent, il y a généralement une période où on combat et on discute en même temps. Je pense que nous sommes clairement dans cette période».

Même le ministre américain de la Défense Jim Mattis, pourtant prudent d'habitude, y est allé de son couplet. «Parfois, la violence peut en fait indiquer qu'on se rapproche de la paix», a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse.