La tension est brusquement montée entre l'Iran et Israël en Syrie, où l'État hébreu dit avoir bombardé des dizaines de cibles iraniennes en représailles à une première attaque directe attribuée à la République islamique contre les forces israéliennes.

Les frappes israéliennes de la nuit ont tué au moins 23 combattants, dont 18 étrangers, a dit l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), ONG qui dispose d'un vaste réseau d'informateurs à travers la Syrie.

Rien ne permet de dire si ces évènements constituent simplement un accès de fièvre plus fort que les autres entre les deux ennemis, ou s'ils marquent le début d'une escalade redoutée depuis des semaines autour du conflit syrien, dans un contexte de tensions avivées par les incertitudes sur le nucléaire iranien.

Israël a assuré ne pas chercher l'escalade tout en se déclarant prêt à tous les scénarios.

La Russie, intervenant majeur en Syrie en soutien au régime, a dit avoir pris contact avec toutes les parties et les avoir appelées à la « retenue ».

Le président français Emmanuel Macron a appelé à la « désescalade », tandis que Berlin a dénoncé une « grave provocation » iranienne. Téhéran a gardé le silence.

Selon les Israéliens, al-Qods, brigade iranienne pour les opérations extérieures, a tiré peu après minuit (21h GMT mercredi) une vingtaine de roquettes de type Fajr et Grad vers les premières positions sur la partie du Golan occupée par Israël, de l'autre côté de la ligne de démarcation.

C'est la première fois depuis le début en 2011 de la guerre en Syrie et de l'engagement iranien dans ce pays voisin d'Israël que l'État hébreu impute de telles frappes à l'Iran.

Cette première confirme encore davantage la Syrie comme théâtre de la confrontation à distance entre l'Iran et Israël.

En février, l'incursion d'un drone iranien dans l'espace israélien avait déjà provoqué des frappes contre plusieurs cibles iraniennes, dans le premier acte d'hostilité ouvertement reconnu entre les deux pays en Syrie.

Les roquettes iraniennes de la nuit de mercredi à jeudi n'ont pas fait de victimes: quatre des projectiles ont été interceptés par les systèmes de défense antiaériens, et les autres sont tombés en dehors d'Israël, a affirmé l'armée israélienne.

Selon le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, un porte-parole, l'armée israélienne a riposté en lançant l'une de ses opérations aériennes les plus importantes des dernières années « et certainement la plus importante contre des cibles iraniennes ».

Détonations à Damas

L'aviation a frappé le lance-roquettes d'où étaient partis les projectiles, dans la périphérie de Damas, ainsi que des dizaines de cibles militaires iraniennes, sites de renseignement, de logistique, de stockage, postes d'observation à travers toute la Syrie, a-t-il dit.

Cité par l'agence Interfax, le ministère russe de la Défense a lui affirmé que l'armée israélienne avait tiré environ 70 missiles, dont une soixantaine à partir des 28 avions F-15 et F-16 qu'elle a engagés.

La défense antiaérienne syrienne a détruit plus de la moitié des 70 missiles, a-t-il ajouté.

L'agence officielle syrienne Sana a de son côté fait état de la destruction de dizaines de missiles israéliens.

Tous les appareils israéliens sont rentrés indemnes à leur base après avoir atteint tous les objectifs retenus, a déclaré le porte-parole de l'armée israélienne.

Selon lui, il faudra des mois et peut-être plus aux Iraniens pour reconstituer le potentiel détruit.

« J'espère que cet épisode est clos et qu'ils ont compris », a dit le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman.

Certains missiles israéliens ont touché des bases militaires ainsi qu'un dépôt d'armes et un radar militaire, a rapporté l'agence Sana.

Les missiles israéliens ont touché des bases « qui appartiendraient au Hezbollah libanais au sud-ouest de la ville de Homs, ainsi que Maadamiyat al-Cham à l'ouest de Damas, où se trouvent des combattants iraniens ainsi que du Hezbollah et de la 4e brigade » de l'armée syrienne, a précisé l'OSDH.

« Nous ne cherchons pas l'escalade », a fait valoir le lieutenant-colonel Conricus, tout en prévenant que toute nouvelle tentative iranienne de s'en prendre à Israël appellerait une réponse vigoureuse.

« Ils ont déjà payé le prix cette nuit, mais l'option est là qu'ils paient encore plus cher ».

« Alerte élevée »

Israël reste en « état d'alerte élevé », mais entend que les civils du Golan continuent à travailler et à vivre comme d'habitude, les seules instructions consistant à ne pas organiser de rassemblement de plus de 1000 personnes et à rester attentifs aux consignes du commandement militaire, a dit le porte-parole militaire israélien.

L'armée avait demandé mardi aux autorités de rouvrir et de préparer les abris.

Israël se tenait prêt depuis des semaines à une réaction à une série d'au moins trois opérations depuis début avril contre des intérêts iraniens en Syrie, dans lesquels de nombreux combattants iraniens auraient été tués.

L'État hébreu, qui reste officiellement en état de guerre avec la Syrie, affirme s'employer à rester à l'écart de la guerre chez son voisin. Mais il observe avec grande inquiétude le soutien apporté au régime de Bachar al-Assad par deux de ses bêtes noires, le Hezbollah libanais et l'Iran.

Israël s'alarme de l'expansion iranienne et ne cesse de proclamer qu'il ne permettra pas à la République islamique de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui. Au cours des derniers mois, il a mené des dizaines de raids contre des positions syriennes, le Hezbollah et, de plus en plus, les forces iraniennes.

Les tensions ont été avivées par la querelle sur le nucléaire iranien. Israël se considère comme la cible désignée d'un Iran qui serait doté de l'arme atomique, et son premier ministre Benyamin Nétanyahou a mené une vigoureuse campagne contre l'accord de 2015, jusqu'à sa dénonciation mardi par le président américain Donald Trump.

Israël a annexé en 1981 la partie du Golan (1200 kilomètres carrés) qu'il occupait depuis 1967 et la guerre des Six Jours. Cette annexion n'est pas reconnue par la communauté internationale, qui considère toujours le territoire comme syrien. Environ 510 kilomètres carrés restent sous contrôle syrien.