De nouveaux heurts ont éclaté vendredi à la frontière entre Israël et la bande de Gaza lors de protestations de milliers de Palestiniens pour le troisième vendredi consécutif, après des violences qui ont coûté la vie à 33 Palestiniens ces deux dernières semaines.

Plus de 120 Palestiniens ont été blessés par des tirs de soldats israéliens et 400 ont été soignés à la suite notamment de suffocations provoquées par des grenades lacrymogènes, selon le ministère de la Santé à Gaza.

Parmi les blessés par balles figurent deux journalistes, a indiqué le syndicat des journalistes palestiniens, une semaine après la mort de l'un de leur confrère.

Lors des manifestations des deux derniers vendredis, des dizaines de milliers de Gazaouis se sont rassemblés à la frontière. Ce vendredi, les manifestants sont moins nombreux, selon les journalistes de l'AFP. L'armée israélienne a évalué à 10 000 le nombre de participants contre le double la semaine dernière.

Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a estimé sur son compte Twitter que «de semaine en semaine, il y a moins d'émeutiers. Notre détermination a été très bien comprise de l'autre côté».

Dans les cinq zones d'affrontements, l'air est saturé de gaz lacrymogène et de nuages de fumée noire s'élevant des pneus enflammés, ont constaté des journalistes de l'AFP.

L'armée a affirmé dans un communiqué que des manifestants avaient tenté «d'endommager ou de faire une brèche» dans la clôture le long de la frontière et avaient lancé des cocktails Molotov et un «engin explosif».

Les manifestants ont aussi tenté de retirer du fil barbelé placé par les forces israéliennes pour les éloigner de la clôture, a rapporté un journaliste de l'AFP.

Des dizaines de drapeaux israéliens ont été brûlés à Jabalia dans le nord de la bande de Gaza. Dans le sud de l'enclave palestinienne, près de Khan Younès, les manifestants ont brûlé des photos du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, du président américain Donald Trump et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, qu'ils considèrent comme proche d'Israël.

Les protestations posent un défi aux forces israéliennes, qui ont rejeté les critiques sur leur recours à des balles réelles, en expliquant que les consignes de tirs ne changeraient pas.

Baptisé «la marche du retour», le mouvement de protestation palestinien a été lancé le 30 mars. Il prévoit des rassemblements et campements durant six semaines près de la frontière pour réclamer «le droit au retour» de quelque 700 000 Palestiniens chassés de leurs terres ou ayant fui lors de la guerre qui a suivi la création d'Israël le 14 mai 1948.

Ce mouvement est censé être pacifique mais des groupes de jeunes Palestiniens s'approchent de la frontière où sont postés les soldats israéliens.

«Pas de vie à Gaza»

Dans le nord de la bande de Gaza, Soumaya Abou Awad, 36 ans, participe à la manifestation avec ses enfants.

«Je viens de Hiribya et c'est mon droit d'y retourner», dit-elle, en allusion à un village au nord de la bande de Gaza, détruit au moment de la guerre de 1948 à l'issue de laquelle fut créé Israël. «Je n'ai pas peur de mourir parce que de toute façon, il n'y a pas de vie à Gaza».

L'État hébreu a affirmé que les manifestations sont l'occasion de tentatives d'attaques, d'infiltration en Israël et de sabotage de la clôture et s'est engagé à stopper ces tentatives.

Mais les Palestiniens disent que les manifestants sont abattus alors qu'ils ne posent aucune menace pour les soldats.

Jusqu'au 14 mai 

Parmi les Palestiniens tués vendredi dernier figurent le journaliste Yasser Mourtaja qui, selon des témoins, portait un gilet l'identifiant comme journaliste quand les soldats lui ont tiré dessus.

Israël a affirmé qu'il s'agissait d'un membre du Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza et ennemi juré de l'État hébreu, mais sans donner de preuve.

Des groupes de défense des droits de l'Homme ont vivement critiqué les forces israéliennes, en mettant en évidence les images, non vérifiées, de vidéos diffusées sur internet montrant des soldats tirant sur des manifestants.

Amnesty International a exigé vendredi dans un communiqué qu'Israël «mette immédiatement fin à l'utilisation excessive et meurtrière de la force».

Les responsables du Hamas ont indiqué qu'ils comptaient maintenir la mobilisation jusqu'au 14 mai, date prévue pour le transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Cette relocalisation a profondément irrité les Palestiniens, qui considèrent la partie orientale de Jérusalem annexée par Israël comme la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Les manifestations doivent officiellement prendre fin mi-mai, lorsque les Palestiniens célèbreront la Nakba, ou «catastrophe» que fut pour eux la création de l'État d'Israël.

La bande de Gaza est soumise à un blocus israélien depuis plus de 10 ans, tandis que sa frontière avec l'Égypte a été la plupart du temps fermée ces dernières années. Jeudi, l'Égypte a ouvert jusqu'à samedi son point de passage avec l'enclave palestinienne.