Israël a prévenu jeudi que les consignes de tir données à la frontière avec la bande de Gaza le 30 mars, quand 18 Palestiniens avaient été tués par balle, resteraient les mêmes vendredi en prévision d'une nouvelle manifestation.

L'émissaire du président américain Donald Trump pour le Proche-Orient, Jason Greenblatt, a lancé une mise en garde aux manifestants, leur demandant de «rester en dehors de la zone tampon de 500 mètres» et de ne «pas s'approcher de la barrière de la frontière de quelque manière que ce soit».

«Nous condamnons les leaders et les manifestants qui appellent à la violence ou envoient des manifestants - y compris des enfants - vers la barrière, sachant qu'ils pourraient être blessés ou tués», a ajouté le responsable américain dans un communiqué à la tonalité extrêmement ferme.

Les Palestiniens de Gaza se préparent à cette nouvelle protestation pour réclamer le retour des réfugiés qui avaient fui leurs terres lors de la création de l'État d'Israël, et la fin du blocus de Gaza par Israël.

Les organisateurs ont indiqué qu'ils tenteraient d'empêcher les petits groupes de protestataires qui voudraient s'approcher de la barrière pour faire rouler des pneus enflammés ou jeter des pierres vers les tireurs d'élite israéliens postés de l'autre côté.

Les jeunes Palestiniens ont collecté ces derniers jours des pneus qu'ils comptent faire brûler pour empêcher les tireurs israéliens de les voir distinctement.

La journée du 30 mars a été la plus meurtrière depuis la guerre en 2014 entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, qui gouverne la bande de Gaza.

Malgré les critiques de l'ONU et de l'Union européenne, qui ont réclamé une «enquête indépendante» sur l'usage par Israël de balles réelles, les responsables israéliens ont refusé de modifier les consignes de tir pour les manifestations prévues après les prières de vendredi.

«S'il y a des provocations, il y aura une réaction des plus dures comme la semaine dernière. Nous n'avons pas l'intention de changer les consignes de tir, nous restons sur la même ligne», a prévenu à la radio publique le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman.

«Consignes illégales»

«Nous n'avons pas affaire à une manifestation, mais à une opération terroriste», a ajouté le ministre.

Il a par ailleurs qualifié de «cinquième colonne (...) et de mercenaires» les dirigeants de B'Tselem, une ONG de gauche qui a appelé les soldats israéliens à ne pas tirer vers des Palestiniens non armés.

B'Tselem a publié des encarts dans des médias avec comme titre: «Désolé commandant, je ne tire pas».

«Soldat, les consignes de tir susceptibles de provoquer la mort de civils ne présentant pas de danger pour des vies humaines, sont illégales», a affirmé l'ONG.

L'envoyé spécial de l'ONU pour le Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, a appelé les forces israéliennes à la «retenue maximale» et les Palestiniens à éviter les frictions.

Le bilan des morts s'est alourdi jeudi avec un Palestinien tué lors d'un raid aérien israélien dans la bande de Gaza et le décès d'un autre, grièvement blessé le 30 mars, ce qui a porté à 20 le nombre de Palestiniens tués depuis vendredi dernier.

Des dizaines de milliers de Palestiniens avaient afflué le 30 mars près de la barrière séparant Israël de Gaza, au premier jour de «la marche du retour». Quelque petits groupes avaient affronté les forces israéliennes en jetant des pierres.

Cette protestation, qui doit durer six semaines, vise à réclamer «le droit au retour» de quelque 700 000 Palestiniens chassés de leurs terres ou ayant fui lors de la guerre qui a suivi la création d'Israël en 1948.

Des milliers de manifestants sont de nouveau attendus vendredi.

«Erreur d'organisation»

«Je pense qu'il y a eu une erreur d'organisation de notre part, nous n'aurions pas dû laisser les gens» s'approcher de la frontière vendredi dernier, a affirmé Asaad Abou Sharkh, porte-parole et membre du comité d'organisation de la «Marche du retour».

«Nous ne nous attendions pas à ce que les Israéliens tirent pour tuer», a-t-il ajouté.

Le Hamas a annoncé qu'il verserait des indemnités de 3000 dollars aux familles de manifestants tués et 500 dollars à ceux grièvement blessés.

Parmi les prochaines périodes à hauts risques figure surtout à la mi-mai le transfert prévu de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

Cette décision annoncée en décembre par le président Donald Trump et qui va coïncider avec le 70e anniversaire de la création d'Israël, a ulcéré les Palestiniens. Ces derniers veulent faire de Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville occupée et annexée par Israël, la capitale de l'État auquel ils aspirent. L'ONU ne reconnaît pas l'annexion de Jérusalem-Est par Israël.

La période est d'autant tendue que le 15 mai marque aussi le début du jeûne musulman du ramadan et la commémoration de la «Nakba» (la «catastrophe» en arabe) qu'a représenté pour les Palestiniens la proclamation de l'État d'Israël en 1948.

La désespérance dans la bande de Gaza, éprouvée par les guerres, le blocus, la réclusion, la pauvreté et les pénuries, ajoute à la tension ambiante.