Israël a suspendu lundi soir par surprise un accord conclu avec l'ONU pour régler le sort de milliers de migrants africains vivant en Israël, quelques heures à peine après l'avoir annoncé.

Cet accord prévoit la réinstallation de plus de 16 000 Soudanais et Érythréens vivant en Israël dans des pays occidentaux. En échange, l'État hébreu s'engageait à donner un titre de séjour à un nombre équivalent d'entre eux devant rester sur son territoire.

«J'ai décidé de suspendre l'application de cet accord et d'en repenser les termes», a écrit M. Nétanyahou sur sa page Facebook lundi soir, affirmant avoir été attentif aux critiques de certains habitants de Tel-Aviv, où vivent la plupart de ces migrants, contre cet accord.

Certains de ces habitants dénonçaient le fait que des milliers de Soudanais et d'Érythréens soient autorisés à rester en Israël.

«Je suis attentif aux critiques et je vais rencontrer vos représentants demain matin», affirme M. Nétanyahou qui avait promis l'année dernière aux habitants de «rendre le sud de Tel-Aviv aux citoyens d'Israël».

La suspension de l'accord avec l'ONU, que M. Nétanyahou avait annoncé en grande pompe le même jour, a surpris la classe politique.

«Zigzags de Nétanyahou» 

Le député travailliste Itzik Shmouli (opposition) a évoqué sur Twitter «le mal de tête provoqué par les zigzags de Nétanyahou», tandis que le chef de son parti Avi Gabbay a qualifié cette annonce d'«inquiétante».

L'accord avec le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) devait remplacer un projet gouvernemental d'expulsions très controversé, annulé officiellement lundi.

Le HCR n'avait pas donné de détail sur les pays d'accueil, mais le premier ministre israélien avait cité «des pays développés comme le Canada, l'Allemagne et l'Italie».

Il n'existe «aucun accord» avec l'Italie dans le cadre du document signé entre Israël et HCR, pour la réinstallation de ces migrants, avait toutefois réagi le ministère italien des Affaires étrangères.

Le ministère allemand de l'Intérieur a assuré de son côté «ne pas avoir connaissance d'une demande concrète concernant une prise en charge de réfugiés vivant en Israël, en particulier originaires de pays africains».

Le gouvernement israélien avait d'abord prévu de donner le choix à des milliers de migrants africains présents sur son territoire de partir d'ici à début avril - soit pour leur pays d'origine, soit pour un pays tiers - ou d'aller en prison indéfiniment.

Ce projet avait suscité de nombreuses critiques, notamment du HCR et d'ONG. Ces dernières semaines, des manifestations avaient réuni des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs villes du pays dont des survivants de la Shoah pour demander le retrait de ce projet.

Selon les autorités israéliennes, 42 000 migrants africains vivent en Israël, mais les femmes et les enfants n'étaient pas menacés par ce plan.

Ces migrants sont arrivés majoritairement après 2007 à partir du Sinaï égyptien. La frontière, à l'époque poreuse avec l'Égypte, a depuis été rendue quasiment hermétique. Ils se sont installés en nombre dans des quartiers pauvres de Tel-Aviv.

Refus rwandais 

Israël admettait tacitement ne pas pouvoir renvoyer dans leur pays ces milliers d'Érythréens et de Soudanais sans mettre leur vie en danger. Le régime érythréen est accusé par l'ONU de crimes contre l'humanité «généralisés et systématiques».

Le gouvernement israélien avait donc imaginé les renvoyer vers un pays tiers qu'il n'avait jamais nommé jusqu'à aujourd'hui. M. Nétanyahou a dévoilé lundi soir qu'il s'agissait du Rwanda, qui a refusé d'accueillir des «clandestins africains».

«Pour pouvoir les expulser légalement, il fallait l'accord d'un pays tiers et quand nous avons vu ces dernières semaines que cette option n'existait plus, nous avons dû trouver une autre solution», a expliqué M. Nétanyahou.

Le ministre de l'Éducation israélien Naftali Bennett, du parti nationaliste religieux Foyer Juif, a dénoncé l'accord avec l'ONU, qui selon lui «signifie qu'Israël va se transformer en paradis pour les clandestins».

Le ministre des Finances Moché Kalhlon, un des piliers de la coalition, a déclaré que «le gouvernement doit se réunir et décider d'une nouvelle trajectoire sur ce sujet».