Le gouvernement israélien a annoncé mardi un accord de coalition lui permettant d'échapper à des élections anticipées après trois semaines de crise aiguë et d'interrogations sur les motivations du premier ministre Benyamin Nétanyahou, cerné par les enquêtes de police pour corruption présumée.

L'accord porte sur un texte controversé visant à maintenir l'exemption de service militaire des étudiants juifs ultra-orthodoxes.

Les partis ultra-orthodoxes, qui représentent au sein de la coalition gouvernementale les juifs observant rigoureusement les règles de leur religion et comptant pour 10% de la population, ont menacé de ne pas voter le budget 2019 à défaut de maintien de l'exemption.

Le ministre des Finances, Moshe Kahlon, et le ministre de la Défense Avigdor Lieberman, chefs de deux autres partis de l'alliance gouvernementale, ont mis leur démission dans la balance face aux ultra-orthodoxes.

Un comité ministériel a décidé mardi soir à l'unanimité de laisser sa liberté de vote sur ce texte à chaque parti de la coalition, sans que l'opposition d'une partie de la majorité ne remette en cause la solidarité gouvernementale, a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué.

Le projet de loi a ensuite été approuvé en examen préliminaire par le Parlement par 59 voix pour et 38 contre. Les partis ultra-orthodoxes devraient à leur tour approuver le budget, sur lequel le débat a commencé dans la foulée.

«Promesse» tenue

Le compromis repousse la perspective de législatives anticipées avant l'échéance prévue de novembre 2019.

«J'avais promis de tout faire pour que ce gouvernement, avec ses réussites magnifiques, reste en place et j'ai tenu ma promesse», s'est rengorgé M. Nétanyahou à la Knesset.

«Vous avez eu peur, hein ? Vous retrouvez des couleurs», a-t-il lancé à l'opposition, «je vous ai épargné une amère désillusion parce que s'il y avait eu des élections, je me serais retrouvé à nouveau à cette tribune et vous là d'où vous vous exprimez actuellement, tellement le soutien de l'opinion publique est massif».

Cependant, la coalition sur laquelle repose le gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, pourrait ne s'être accordé qu'un répit.

Annonce de possibles nouvelles embrouilles, le ministre de la Défense et son parti laïc et nationaliste Israël Beiteinou, farouches adversaires de l'exemption, ont obtenu de présenter au cours de la session d'été leur propre version d'une législation sur la conscription, avec laquelle devra être réconcilié le texte approuvé mardi.

Les commentateurs s'accordaient sur un point: si un homme avait tout à gagner de législatives aussi précoces que possible, c'est bien le premier ministre, au pouvoir depuis près de 12 ans, figure dominante en Israël et personnage incontournable à l'étranger.

Des sondages publiés lundi soir par deux chaînes de télévision indiquaient que, malgré les investigations policières, son parti, le Likoud, remporterait 29 ou 30 sièges sur 120, soit autant que dans le Parlement sortant. Il devancerait largement son principal concurrent, le parti centriste Yesh Atid, actuellement dans l'opposition.

Dans sa course contre-la-montre avec la justice et l'opinion publique, M. Nétanyahou pouvait difficilement espérer être dans une position plus favorable qu'aujourd'hui si les électeurs se rendaient aux urnes, notaient les observateurs.

Caractère juif d'Israël

Une série d'investigations pour corruption présumée jettent une ombre sur son avenir. La police a recommandé son inculpation dans deux dossiers. Un troisième, l'affaire dite Bezeq, du nom du grand groupe israélien de télécommunications, pourrait se révéler encore plus dangereux.

Les adversaires de M. Nétanyahou et nombre de ses alliés le soupçonnent d'avoir laissé enfler la crise de coalition à des fins de survie politique, dont il est un spécialiste.

Une victoire dans des élections anticipées compliquerait en effet son éviction du gouvernement en cas d'inculpation.

Mais très peu parmi les alliés de M. Nétanyahou semblent en revanche avoir intérêt à un retour aux urnes avant l'heure.

M. Nétanyahou, qui a passé sa journée en tractations secrètes avec les chefs de file de sa coalition, serait parvenu à la conclusion qu'il n'arriverait pas à réunir une majorité au Parlement en faveur d'élections anticipées fin juin, ont rapporté plusieurs médias.

Mais M. Nétanyahou a obtenu une précieuse contrepartie: l'engagement des membres de la coalition de soutenir un texte de loi lui aussi très controversé et qui lui tient à coeur, et visant à renforcer l'inscription dans la loi du caractère juif de l'État d'Israël, a indiqué son parti, le Likoud, dans un communiqué.