Des leaders musulmans ont appelé mercredi le monde à reconnaître Jérusalem-Est comme capitale d'un État palestinien en réponse à la décision américaine de considérer la ville sainte comme capitale d'Israël, à l'issue d'un sommet à Istanbul lors duquel ils ont usé d'un langage ferme sans annoncer de mesure concrète.

«Nous proclamons Jérusalem-Est capitale de l'État de Palestine et appelons les autres pays à reconnaître l'État de Palestine et Jérusalem-Est comme sa capitale occupée», ont déclaré les leaders dans un communiqué publié à l'issue d'un sommet extraordinaire de l'Organisation de la Coopération islamique (OCI) à Istanbul.

La plupart des pays arabo-musulmans reconnaissent déjà Jérusalem-Est comme la capitale de l'État que les Palestiniens appellent de leurs voeux.

«Nous rejetons et condamnons fermement la décision irresponsable, illégale et unilatérale du président des États-Unis reconnaissant Jérusalem comme la prétendue capitale d'Israël. Nous considérons cette décision comme nulle et non avenue», ont-ils ajouté.

Ils ont en outre estimé que la décision du président américain Donald Trump, annoncée le 6 décembre, nourrissait «l'extrémisme et le terrorisme».

C'est «un sabotage délibéré de tous les efforts visant à parvenir à la paix, nourrit l'extrémisme et le terrorisme et menace la paix et la sécurité mondiales», selon le communiqué.

Ils ont aussi affirmé que Washington, en décidant cette mesure qui va à l'encontre des résolutions internationales, «signe son retrait de son rôle de médiateur dans la quête d'un règlement de paix».

L'administration américaine «encourage ainsi Israël, la force occupante, à poursuivre la colonisation, l'apartheid et le nettoyage ethnique dans les territoires palestiniens occupés en 1967», poursuit le communiqué.

Président en exercice de l'OCI, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé M. Trump d'avoir une «mentalité sioniste» lors de son discours de clôture du sommet.

«Le destin de Jérusalem ne peut pas être laissé aux mains d'un pays qui s'abreuve de sang, élargit ses frontières en tuant sauvagement des enfants, des civils et des femmes», a-t-il ajouté.

Fermeté oratoire

Accusant M. Trump d'avoir «offert Jérusalem comme cadeau» au «mouvement sioniste», le leader palestinien Mahmoud Abbas avait pour sa part averti dans un discours d'une rare véhémence à l'encontre d'Israël et de l'administration américaine qu'il n'y aurait «ni paix ni stabilité» sans que la partie arabe occupée de la ville sainte ne soit reconnue comme capitale palestinienne.

M. Erdogan, un ardent défenseur de la cause palestinienne, avait donné le ton dans son discours d'ouverture en qualifiant Israël d'«État d'occupation» et d'«État terroriste».

La mesure américaine a provoqué des manifestations dans plusieurs pays du Proche-Orient et des violences dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem. Quatre Palestiniens ont été tués et des centaines blessés depuis jeudi.

Mais en dépit de la fermeté oratoire des participants, aucune mesure concrète n'a été annoncée par le principal groupement musulman dont les principaux membres sont par ailleurs de proches alliés des États-Unis.

Le monde musulman est profondément divisé et plusieurs pays, comme l'Arabie saoudite, tentent de cultiver de bons rapports avec l'administration Trump sur fond d'hostilité commune envers l'Iran.

La Ligue arabe s'était déjà contentée, lors d'une réunion le week-end dernier, d'émettre une condamnation verbale, appelant les États-Unis à «annuler leur décision sur Jérusalem».

Faible participation saoudienne

Appelant à ce que les pays présents «unissent (leurs) forces», le président iranien Hassan Rohani a déploré que «certains pays de notre région coopèrent avec les États-Unis et le régime sioniste».

L'Iran ne reconnaît pas Israël et entretient des relations tendues avec l'Arabie saoudite.

Parmi la vingtaine de chefs d'État ayant répondu à l'appel de M. Erdogan, figurent le président iranien Hassan Rohani, le roi de Jordanie Abdallah II, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ou encore le Libanais Michel Aoun.

Le président du Soudan Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide au Darfour, était également présent au sommet, ainsi que le président du Venezuela Nicolas Maduro, critique acerbe des États-Unis, mais dont le pays ne fait pas partie de l'OCI.

En froid avec la Turquie, mais ne pouvant esquiver un sommet consacré à Jérusalem, l'Égypte a envoyé à Istanbul son ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukry.

L'Arabie saoudite était représentée par son ministre d'État responsable des Affaires étrangères, Nizar Madani.

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«Nous, qui reconnaissons Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, devrions inciter les autres pays à reconnaître l'État palestinien sur la base des frontières de 1967 et avec pour capitale Jérusalem-Est», a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

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Le président turc Recep Tayyip Erdogan est l'un des plus véhéments critiques de la décision de son homologue américain Donald Trump.

Une semaine de mobilisation contre la décision de Trump

Principaux développements depuis la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël, qui a déclenché la colère des Palestiniens, des manifestations dans le monde musulman et une réprobation quasi unanime de la communauté internationale.

Onde de choc

Le 6 décembre, le président américain affirme que «les vieux défis nécessitent une nouvelle approche». «Il est temps d'officiellement reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël», déclare-t-il, passant outre aux mises en garde venues de toutes parts et marquant une rupture avec ses prédécesseurs. Il ordonne de préparer le transfert de l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem.

Le président palestinien Mahmoud Abbas juge que les États-Unis sapent «délibérément tous les efforts de paix» et abandonnent leur rôle historique de «sponsor du processus de paix». Le mouvement islamiste palestinien Hamas juge que l'annonce ouvre «les portes de l'enfer» pour les intérêts américains dans la région.

L'initiative américaine suscite aussitôt une vague de réprobation dans le monde entier, à l'exception d'Israël, dont le premier ministre Benyamin Nétanyahou salue un «jour historique».

Le 7 décembre, des Palestiniens affrontent des soldats israéliens et brûlent le portrait de Donald Trump. En Cisjordanie occupée, des confrontations opposent jeunes Palestiniens et soldats israéliens. Une grève générale est largement suivie en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Le mouvement islamiste Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, appelle à une nouvelle intifada.

Mahmoud Abbas et le roi Abdallah de Jordanie affirment que toute mesure modifiant le statu quo sur Jérusalem est «invalide».

«Colère»

Le 8 décembre, les Palestiniens sont appelés à un «jour de colère» à Jérusalem, en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. Ils affrontent par milliers les soldats et policiers israéliens. Des heurts font deux morts et des dizaines de blessés.

Des dizaines de milliers de personnes manifestent dans plusieurs pays arabes et musulmans.

À l'ONU, les ambassadeurs de France, Royaume-Uni, Italie, Suède et d'Allemagne affirment que cette décision «n'est pas conforme aux résolutions du Conseil de sécurité» et «ne favorise pas la perspective de paix dans la région». L'ambassadrice américaine Nikki Haley répète que M. Trump n'a «pas pris position sur les limites ou les frontières».

Le 9 décembre, deux membres du Hamas périssent dans des raids menés par l'aviation israélienne en riposte à des tirs de roquettes venus de la bande de Gaza.

Le Fatah du président Abbas appelle les Palestiniens à «poursuivre la confrontation et à l'élargir».

Réunis au Caire, les ministres arabes des Affaires étrangères estiment que les États-Unis se sont «retirés comme parrains et intermédiaires du processus de paix».

Tension Turquie-Israël

Le 10 décembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan affirme que son pays «n'abandonnera pas Jérusalem à la merci d'un État terroriste qui tue des enfants». M. Nétanyahou rétorque qu'il n'a «pas de leçon de moralité à recevoir d'un dirigeant (...) qui bombarde les Kurdes et aide des terroristes».

Des dizaines de milliers de personnes manifestent d'Indonésie au Maroc en passant par la Turquie. À Beyrouth, les forces de sécurité dispersent une manifestation près de l'ambassade des États-Unis à coup de canons à eau, faisant plusieurs blessés.

Le 11 décembre, le Moyen-Orient connaît sa cinquième journée de manifestations. Dans les Territoires palestiniens, des dizaines de jeunes incendient des pneus et lancent des pierres sur les soldats israéliens à la sortie de Ramallah.

Jérusalem-Est

Le 13 décembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan exhorte la communauté internationale à reconnaître Jérusalem-Est comme la «capitale de la Palestine», le leader palestinien Mahmoud Abbas estimant qu'il n'y aurait «ni paix ni stabilité» sans cela, lors de l'ouverture d'un sommet extraordinaire de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) à Istanbul.

Parallèlement, le roi Salmane d'Arabie saoudite déclare que les Palestiniens ont le droit de faire de Jérusalem-Est la capitale de l'État auquel ils aspirent, à l'ouverture à Riyad de la session annuelle du Majlis al-Choura, l'assemblée consultative.

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Des soldats israéliens affrontent des manifestants palestiniens le 13 décembre à Ramallah.