L'UE a fraîchement accueilli lundi le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui a profité d'une visite inédite à Bruxelles afin de plaider pour que les Européens reconnaissent Jérusalem comme la capitale d'Israël à l'instar du président américain Donald Trump.

La visite du chef du gouvernement israélien, une première en plus de 20 ans, a coïncidé avec une tempête de neige qui a paralysé le trafic toute la matinée, ainsi que l'aéroport de la capitale européenne.

La reconnaissance d'Israël comme capitale par Donald Trump, décriée par la communauté internationale, «n'empêche pas la paix. Cela rend la paix possible, car reconnaître la réalité est la substance de la paix», a martelé M. Nétanyahou.

Malgré l'accueil chaleureux affiché par la cheffe de la diplomatie de l'Union Federica Mogherini envers M. Nétanyahou, ses propos juste avant un petit-déjeuner avec les ministres des Affaires étrangères des 28 ont jeté un froid.

«Je pense que tous les États européens, ou la plupart, déménageront leurs ambassades à Jérusalem, reconnaîtront Jérusalem comme la capitale d'Israël et s'engageront de manière énergique avec nous pour la sécurité, la prospérité et la paix», a-t-il estimé.

«Ce geste ne viendra pas»

«Il peut garder ses attentes pour d'autres, parce que du côté des États membres de l'Union européenne, ce geste ne viendra pas», a vertement répliqué Mme Mogherini après la rencontre, qui a duré une bonne heure de plus que prévu.

«Nous pensons que la seule solution réaliste au conflit entre Israël et la Palestine est basée sur deux États, avec Jérusalem comme capitale des deux États, suivant les frontières de 1967. Ceci est notre position consolidée», a-t-elle souligné, insistant sur «l'unité» des Européens à ce propos.

M. Nétanyahou est reparti en Israël à la mi-journée sans avoir rencontré comme prévu le président de la Commission Jean-Claude Juncker, à cause de la neige qui perturbe les transports à Bruxelles.

Les relations entre Israël et l'UE - qui dénonce régulièrement la colonisation des territoires palestiniens, impose un étiquetage des produits provenant des implantations et est le principal pourvoyeur de fonds de l'Autorité palestinienne - sont notoirement difficiles.

Samedi, Benyamin Nétanyahou avait accusé l'Europe «d'hypocrisie», car elle dénonçait la déclaration américaine, mais pas «les tirs de roquettes sur Israël». «Je respecte l'Europe, mais je ne suis pas près d'accepter une politique de «deux poids deux mesures» de sa part», avait-il dit.

Israël a annexé la partie orientale de Jérusalem, dont elle a pris le contrôle pendant la guerre de 1967, puis voté une loi déclarant sa capitale «indivisible». Cette annexion n'a jamais été reconnue par la communauté internationale et les Palestiniens considèrent Jérusalem-Est comme la capitale de leur futur État.

Jugeant crucial de «relancer le processus de paix même en ces temps difficiles», Mme Mogherini a également estimé que «le pire qui pourrait arriver maintenant est une escalade des tensions, de la violence», alors que des dizaines de milliers de manifestants ont protesté ces derniers jours au Moyen-Orient contre la décision américaine.

Dérapages

Depuis mercredi, des heurts dans les territoires palestiniens ont coûté la vie à quatre Palestiniens et fait plus de mille blessés.

Un garde de sécurité israélien a été grièvement blessé à Jérusalem après avoir été poignardé par un Palestinien. En Europe, samedi soir, une dizaine de personnes ont jeté des cocktails Molotov contre une synagogue de Göteborg en Suède, et des manifestations ont été marquées par des dérapages antisémites et anti-israéliens en Allemagne.

«Je condamne toutes les attaques contre des juifs, partout dans le monde y compris en Europe, contre Israël et des citoyens israéliens», a réagi Mme Mogherini, tandis que la Commission européenne se disait «choquée et indignée par la vague d'attaques et manifestations antisémites qui ont répandu la haine contre les juifs dans des villes européennes ces derniers jours».

Les ministres des 28 pays de l'UE ont abordé cette réunion en ordre dispersé, certains voulant gommer les aspérités dans la relation houleuse avec Israël, comme la République tchèque, la Hongrie ou la Lituanie.

La colonisation reste aux yeux des Européens l'un des principaux «obstacles à la paix», alors que le gouvernement israélien a relancé en octobre des projets de construction de milliers de logements de colons en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexée.

Dimanche, le président français Emmanuel Macron a invité M. Nétanyahou à faire «des gestes courageux envers les Palestiniens pour sortir de l'impasse actuelle», notamment «le gel de la colonisation» et des «mesures de confiance à l'égard de l'Autorité palestinienne».