Des politiciens de droite et des internautes israéliens se sont déchaînés lundi contre le président Reuven Rivlin, lui-même de droite, après son refus de gracier un soldat condamné pour avoir achevé un assaillant palestinien blessé.

Le rejet de la demande de grâce soumise par le soldat franco-israélien Elor Azaria est le dernier rebondissement en date d'une affaire qui divise Israël depuis des mois.

La police a indiqué lundi avoir ouvert une enquête après la diffusion sur internet d'un photomontage montrant le président coiffé d'un keffieh, le foulard traditionnel palestinien, suggérant ainsi qu'il était un traître. Une caricature de M. Rivlin tenant un drapeau palestinien a aussi été postée sur sa page Facebook.

Ces attaques ont rapidement suscité le parallèle avec le climat qui régnait avant la mort du premier ministre Yitzhak Rabin en 1995 et la diffusion, avant son assassinat par un extrémiste juif, de photomontages le montrant également affublé d'un keffieh, voire d'un uniforme nazi.

M. Rivlin a rejeté dimanche la demande de grâce d'Elor Azaria. Membre d'une unité paramédicale, ce soldat de 21 ans avait été filmé le 24 mars 2016 par un militant propalestinien alors qu'il tirait une balle dans la tête d'Abdel Fattah al-Sharif à Hébron, en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël.

Le Palestinien venait d'attaquer des soldats au couteau. Blessé par balles par les soldats, il gisait au sol quand Elor Azaria a commis son geste. La vidéo s'était propagée sur les réseaux sociaux.

Fractures

Au terme d'un procès ultramédiatisé, les juges avaient reconnu Elor Azaria coupable d'homicide volontaire et l'avaient condamné le 30 juillet à 18 mois de prison.

Il a été incarcéré le 9 août. Le chef d'état-major de l'armée a réduit sa peine de quatre mois en septembre.

M. Rivlin a rejeté la demande de grâce en faisant valoir qu'une nouvelle mesure de clémence porterait atteinte aux valeurs de l'armée israélienne, notamment celle de la «pureté des armes».

Dans un contexte d'occupation continue des Territoires palestiniens et de violences persistantes, l'affaire Azaria a dressé les Israéliens défendant le respect de valeurs morales par leur armée contre les tenants d'un soutien sans faille aux soldats confrontés aux attaques palestiniennes.

Ces fractures sont apparues dans les commentaires sur la page Facebook de M. Rivlin. Les messages haineux dans lesquels revenait fréquemment le mot traître ont afflué. Mais de nombreux commentaires de soutien ont aussi été postés.

«Tu as choisi d'être le président des terroristes palestiniens plutôt que celui des citoyens israéliens», a écrit un internaute.

Mais un autre répondait: «Vous êtes la voix de la raison en Israël face à la folie commanditée par le gouvernement Netanyahu.»

Les ministres aussi

Plusieurs personnalités de droite se sont prononcées en faveur de sa grâce, à commencer par le premier ministre Benyamin Néthanyahou et le ministre de la Défense Avigdor Lieberman. Ce dernier a dit «regretter» la décision de M. Rivlin de ne pas refermer un dossier «qui a ébranlé la société israélienne».

Membre du même parti que M. Rivlin et que le premier ministre (le Likoud), la bouillonnante ministre de la Culture Miri Regev a accusé le président d'avoir cédé aux pressions, «lâché Elor» et «porté atteinte à l'institution de la grâce».

Le premier ministre a estimé que la critique était permise, y compris contre le président, mais «sans keffieh, sans uniforme nazi», dans une apparente référence au meurtre de Rabin. «Cela est inacceptable quand cela vise le président ou tout autre représentant du public», a-t-il ajouté, selon son parti.

Le soutien au président est finalement venu de la gauche. «Il est encore permis d'espérer tant qu'Israël a un tel président», a dit le député travailliste d'opposition Omer Bar Lev.

La querelle met en lumière la position singulière de M. Rivlin, régulièrement à rebours du gouvernement et d'une droite impétueuse, bien que ses attributions soient essentiellement protocolaires.

M. Rivlin, qui a fait du dialogue entre juifs et Arabes l'une de ses priorités, avait été vivement attaqué quand il avait exprimé sa «honte» de voir que des gens «de (son) peuple» (des juifs) étaient responsables d'un incendie criminel dans lequel un bébé palestinien de 18 mois était mort brûlé vif en juillet 2015 avant que ses parents ne succombent à leur tour.

Il avait braqué le Likoud en lançant le 23 octobre devant le Parlement ce qui avait été vu comme une attaque frontale contre le gouvernement, considéré comme le plus à droite de l'Histoire d'Israël. Il avait dit assister «à un effort permanent pour affaiblir les gardiens de la démocratie israélienne».

Photo JIM HOLLANDER, archives AFP

Le soldat Elor Azaria et sa mère Oshra