La Russie a opposé, pour la deuxième fois en 24 heures, un veto à un projet de résolution du Japon prolongeant de 30 jours le mandat des experts internationaux du groupe JIM enquêtant sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie.

Cette résolution a été approuvée par 12 pays sur les 15 membres du Conseil de sécurité. Outre la Russie, la Bolivie a voté contre. La Chine s'est abstenue.

«La Russie nous fait perdre notre temps», a dénoncé l'ambassadrice américaine Nikki Haley, en soulignant qu'avec ses prises de position successives, «la Russie ne souhaitait pas trouver un terrain d'entente» avec ses partenaires du Conseil de sécurité.

Vendredi matin, lors de consultations à huis clos, l'ambassadeur russe adjoint Vladimir Safronkov avait annoncé que Moscou «n'accepterait pas le projet de texte japonais», selon un diplomate présent à la réunion.

À Moscou, le responsable russe de la non-prolifération au ministère des Affaires étrangères, Mikhail Ulyanov, avait aussi jugé inutile un renouvellement technique d'un mois. «Nous pouvons discuter et si cela devient productif, alors, dans un temps pas trop lointain, le Conseil de sécurité pourra prendre une décision pour prolonger les activités du JIM», avait-il dit, cité par l'agence de presse RIA Novosti. «Aucune raison actuellement de se précipiter», avait-il insisté.

«La France est attérée», a affirmé l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre, en dénonçant un «veto particulièrement grave lourd de conséquences pour la lutte contre les armes chimiques». «Si le JIM n'est pas renouvelé avant minuit (05H00 GMT samedi), il est dissous», a-t-il déploré.

Jeudi, l'ONU avait déjà connu un double échec dans ses tentatives de prolonger d'un an le mandat des enquêteurs. Moscou a d'abord mis son veto - le 10e concernant le dossier syrien - sur un projet de résolution des États-Unis, avant que son propre texte ne soit rejeté faute de majorité suffisante (9 voix) parmi les 15 membres du Conseil.

La séance avait été marquée par de vifs échanges, notamment entre Moscou et les Occidentaux, jugés indignes par plusieurs membres non permanents du Conseil de sécurité.

Gaz sarin

Nikki Haley a menacé la Syrie de nouveaux bombardements en cas d'utilisation d'armes chimiques et affirmé ne pas pouvoir faire confiance à la Russie pour trouver une solution politique à la guerre dans ce pays, alors que de nouvelles négociations de paix doivent se tenir à partir du 28 novembre à Genève.

En avril, le président américain Donald Trump avait ordonné de bombarder une base aérienne présumée avoir servi à des avions du régime de Bachar al-Assad pour attaquer le 4 avril au gaz sarin la localité syrienne de Khan Cheikhoun (plus de 80 morts), sous contrôle de rebelles et de jihadistes.

La Russie, proche soutien de Damas, affirme que l'attaque chimique est venue de l'explosion d'un obus au sol et non d'une bombe lancée par un avion.

Les enquêteurs du JIM, issus de l'ONU et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), ont conclu en octobre à la responsabilité du régime syrien dans cette attaque. Depuis, la Russie ne cesse de dénoncer les conditions d'enquête du JIM, considéré comme soumis aux États-Unis. Moscou a affirmé être prêt à prolonger son mandat sous condition de le réformer en profondeur et de geler ses conclusions sur l'attaque de Khan Cheikhoun.

Washington et ses alliés européens ont refusé et veulent que l'ONU prenne des sanctions contre les responsables d'attaques chimiques en Syrie.

Derrière la question de l'avenir du JIM, c'est l'ensemble du régime de non-prolifération établi par les Nations unies pour interdire dans le monde le recours aux armes chimiques qui est en jeu, ont mis en garde des diplomates.

Le JIM, créé en 2015 sur une initiative américano-russe, enquête sur des dizaines d'attaques chimiques présumées (sarin, chlore...). Il compte une trentaine de membres issus de l'ONU et de l'OIEA. En deux ans, il a conclu que les forces syriennes, outre à Khan Cheikhoun, avaient été responsables d'attaques au chlore dans trois villages en 2014 et 2015 et que le groupe EI avait utilisé du gaz moutarde en 2015.