Le président du Liban Michel Aoun a plaidé lundi pour l'unité entre les forces politiques dans un pays fragilisé par les crises, afin de prévenir toute retombée de la démission-choc du premier ministre Saad Hariri.

Samedi depuis la capitale saoudienne Riyad, M. Hariri, un protégé de l'Arabie saoudite, a annoncé sa démission qui a pris de cours l'ensemble des dirigeants politiques libanais.

Il a dit craindre pour sa vie et dénoncé la «mainmise» et «l'ingérence» de l'Iran dans les affaires du Liban à travers son allié libanais, le Hezbollah.

Pour des experts, cette démission s'inscrit dans le cadre des luttes d'influence entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, les deux poids lourds régionaux qui se sont livré lundi à une passe d'armes violente sur le Yémen, pays en guerre.

Alors que la décision de M. Hariri a fait craindre un retour aux violences dans un pays miné par l'instabilité politique, le président Aoun et le chef du puissant mouvement armé du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont tenté de calmer le jeu et ont appelé au calme.

Lundi à Beyrouth, M. Aoun a convoqué les ministres de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice, ainsi que le chef de l'armée et le directeur de la Sûreté générale, pour évoquer la situation née de la démission de M. Hariri.

«Le fait que tous les dirigeants politiques s'associent aux appels au calme, renforce la stabilité et préserve l'unité nationale», a-t-il assuré lors de la réunion, selon le compte Twitter de la présidence.

«Préserver la stabilité»

«L'unité nationale reste primordiale pour préserver la stabilité, sur le plan sécuritaire et politique», a souligné le chef de l'État, qui a consulté ces derniers jours les dirigeants du Koweït, d'Égypte et de Jordanie.

M. Aoun n'a pas encore dit s'il acceptait ou non la démission de M. Hariri, mais le ministre de la Justice Salim Jraissati a répété qu'il ne «prendrait aucune décision unilatérale avant d'avoir pu rencontrer» le premier ministre démissionnaire.

Ce dernier se trouvait toujours lundi en Arabie saoudite où il a été reçu à Riyad par le roi Salmane.

M. Hariri, qui avait déjà été premier ministre de 2009 à 2011, a accusé samedi l'Iran d'avoir «crée un État dans l'État», et de vouloir «avoir le dernier mot dans les affaires du Liban». Son père, lui-même ex-Premier ministre, a été assassiné en 2005 à Beyrouth.

Le Hezbollah, seul mouvement à ne pas avoir déposé les armes après la guerre civile (1975-1990) est accusé par ses détracteurs d'avoir la haute main sur les affaires de l'État et son arsenal est l'une des principales pommes de discordes dans le pays.

Son chef, Hassan Nasrallah, a choisi l'apaisement dans sa réaction dimanche à la démission de M. Hariri, qu'il a même regrettée.

Il a accusé Ryad de l'avoir contraint à démissionner. «Ce n'était ni son intention, ni sa volonté, ni sa décision», a-t-il assuré, précisant que le chef du gouvernement était attendu jeudi au Liban, «si on lui permet de revenir».

«Grande incertitude»

Le Hezbollah est classé organisation «terroriste» par l'Arabie saoudite et les États-Unis.

Si M. Aoun accepte la démission de M. Hariri, son cabinet deviendra automatiquement un gouvernement d'affaires courantes.

Dans ce pays, la nomination du premier ministre et l'élection du président sont toujours le fruit de longues tractations entre formations politiques pour la plupart rivales.

La démission de M. Hariri risque fort de reporter les élections législatives attendues en mai, les premières organisées depuis 2009 en raison des multiples crises politiques. Si bien que le Parlement s'est prorogé son propre mandant à deux reprises.

Pour Sami Atallah, directeur du «Lebanese Center for Policy Studies», le Liban va connaître une période de «grande incertitude».

Il cite la «vulnérabilité macroéconomique» du pays, mais aussi les défis en termes de «créations d'emplois, la confiance dans l'économie, l'investissement et l'attrait de nouveaux entrepreneurs».

«Nous n'avons pas de premier ministre en place, nous ne savons pas si nous allons en avoir un bientôt. Le pays entier est en jeu. Le système politique entier est en jeu. Est-ce que (les dirigeants) vont réussir à être à la hauteur, (...) mettre leurs différences de côté et réaliser la gravité de la situation dans laquelle nous sommes?»