Le conflit s'enlise au Yémen et la crise humanitaire prend de l'ampleur. Des millions de personnes sont menacées de famine et le choléra s'étend, alors que les rumeurs d'offensive sur un port crucial pour la distribution d'aide font craindre le pire pour la population.

Dans une présentation au Conseil de sécurité il y a quelques jours, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies, Stephen O'Brien, a indiqué que la population yéménite était aussi durement éprouvée par une épidémie de choléra.

Selon lui, 150 000 cas devraient s'ajouter d'ici six mois aux 60 000 recensés depuis la fin d'avril. Cinq cents personnes en sont mortes, a relevé M. O'Brien, qui évoque l'affaiblissement de la population, l'implosion du système de santé et la détérioration des infrastructures de distribution et de filtration d'eau potable pour expliquer l'épidémie.

« La saison des pluies et l'accumulation de déchets dans les rues des grandes villes ont créé les conditions parfaites pour la transmission rapide » de la maladie, a expliqué le représentant de l'ONU.

La faim omniprésente

Jan Egeland, un diplomate d'expérience, a déclaré au début du mois dernier qu'il avait été profondément ébranlé par la souffrance de la population yéménite lors d'une récente visite dans le pays.

Le monde, a-t-il accusé, est en train de laisser des millions de personnes dépérir faute de nourriture sans réagir adéquatement. Selon les Nations unies, pas moins de 17 millions de personnes souffrent d'insécurité alimentaire sur une population totale de 28 millions, et 7 millions sont menacées par la famine.

Le Programme alimentaire mondial a réussi à acheminer de l'aide à 3 millions de personnes en avril et espère doubler ce nombre en mai. Les rations devront cependant être réduites pour y parvenir.

Un port dans la mire

Une fraction importante de l'aide humanitaire fournie aux Yéménites passe par le port d'Hudaydah, dans l'ouest du pays.

La coalition militaire menée par l'Arabie saoudite, qui mène une vaste offensive depuis 2015 dans le pays avec l'aide des États-Unis et de la Grande-Bretagne, impose depuis plusieurs mois un blocus maritime freinant l'acheminement des vivres vers la ville, que contrôlent les rebelles houthis. La situation humanitaire pourrait devenir encore plus compliquée si la coalition saoudienne tente de la reprendre comme le craignent plusieurs organisations humanitaires, relève Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l'Université d'Ottawa.

Les combats pour Hudaydah, une agglomération importante, pourraient s'étendre sur une longue période, tarissant une ligne d'approvisionnement cruciale pour la population, dit le chercheur.

Pas de fin en vue

Le conflit qui touche le Yémen a fait plus de 7500 morts et des dizaines de milliers de blessés, et rien ne laisse présager sa fin rapide.

Riyad cherche à remettre en selle le président Abd Rabbo Mansour Hadi, forcé de fuir la capitale en 2015 en raison de l'avancée des houthis et des troupes demeurées fidèles à l'ex-président, Ali Abdullah Saleh.

Selon Thomas Juneau, « aucune des parties en présence n'est véritablement disposée à l'heure actuelle à négocier sérieusement » pour en finir avec le conflit. Jacqueline Lopour, du Centre for International Governance Innovation (CIGI), pense qu'aucun des deux camps ne pourra réussir à s'imposer militairement. L'Iran, qui soutient les houthis, risque d'accroître son soutien pour maintenir l'impasse s'il s'avère que l'Arabie saoudite gagne du terrain, relève-t-elle.

Une pression internationale défaillante

Les organisations de défense des droits de la personne ont critiqué à plusieurs reprises les frappes aériennes meurtrières de la coalition saoudienne au Yémen sans infléchir le soutien de Washington.

Une attaque ayant fait plus de 100 morts à Sanaa à l'automne laissait entrevoir un durcissement américain envers Riyad, mais l'arrivée au pouvoir de Donald Trump « a complètement changé la donne », relève Jacqueline Lopour.

Le chef d'État a récemment annoncé la vente d'armes d'une valeur de 100 milliards de dollars au régime saoudien et ne dit mot des exactions survenues au Yémen. Thomas Juneau note de son côté que les États-Unis n'ont pas la capacité de faire cesser les bombardements. Pas plus que Téhéran ne peut contraindre les houthis à déposer les armes, note l'analyste, qui insiste sur le caractère limité du soutien iranien.

« Aucun acteur externe n'a la capacité d'imposer une solution », relève-t-il.

PHOTO MOHAMMED HUWAIS, Archives Agence France-Presse

L'accumulation de déchets dans les rues augmente les risque de propagation du choléra.

PHOTO Abduljabbar Zeyad, Archives Reuters

Près de 17 millions de Yéménites souffrent de la faim sur une population totale de 28 millions.