Les talibans afghans ont annoncé vendredi le lancement de leur offensive de printemps et misent sur de nouveaux gains territoriaux, éloignant encore un peu plus toute perspective de paix dans le pays.

L'opération «Mansouri», du nom de leur ancien leader abattu en 2016 par un drone américain, visera en priorité «les forces étrangères» pour les chasser du pays, préviennent-ils dans le communiqué ouvrant leur campagne.

L'annonce, attendue, intervient alors que l'armée afghane est privée de ministre de la Défense et de chef d'état-major. Ils ont tous deux démissionné après l'assaut meurtrier d'un commando taliban contre une base militaire la semaine dernière dans le nord du pays, qui a fait près de 200 victimes, dont 135 morts au moins, de source officielle.

Dans leur communiqué, les talibans préviennent que «le principal objectif de l'opération Mansouri sera les forces étrangères, leurs infrastructures militaires et de renseignement, et l'élimination de leurs mercenaires locaux», désignant par là les soldats et policiers afghans.

Le ministère de l'Intérieur a semblé mépriser ces menaces: «cette offensive n'a rien de neuf, chaque année ils publient le même communiqué, mais leurs opérations échouent», a déclaré à l'AFP le porte-parole, Najib Danish.

Le chef du Pentagone, le général Jim Mattis, en visite lundi à Kaboul, a pourtant prédit «une nouvelle année difficile» pour le pays.

Quelque 12 000 soldats des forces occidentales, dont 8400 Américains, sont stationnés en Afghanistan sous mandat de l'OTAN pour former et appuyer les forces afghanes depuis le retrait de la majorité des troupes étrangères combattantes fin 2014.

Malgré ce soutien, l'armée et la police afghanes ne contrôlent plus que 57% des 460 districts du pays, selon le Sigar, organisme du Congrès à Washington chargé de contrôler les activités et dépenses américaines dans le pays.

Minées par les désertions et un faible commandement, les forces afghanes encaissent de lourdes pertes, en hausse de 35% en 2016 selon le Sigar, avec près de 7000 hommes tués sur les neuf premiers mois.

Le général John Nicholson, patron des forces américaines en Afghanistan, a réclamé cet hiver «quelques milliers d'hommes supplémentaires» pour venir à bout de l'insurrection.

Attaques complexes

Outre les talibans, une branche locale du groupe djihadiste État islamique combat également le gouvernement de Kaboul et ses alliés américains dans l'Est.

Trois soldats américains ont été tués dans ces combats ce mois-ci dans la province du Nangarhar, dont deux mercredi soir.

Selon l'expert Ahmad Saeedi aussi «cette année s'annonce difficile. Les talibans et leurs partisans tirent parti des échecs et de l'incompétence des dirigeants du gouvernement».

Ce spécialiste ne voit pas les talibans rejoindre des pourparlers de paix «ou alors en exigeant des privilèges et d'énormes concessions du gouvernement», estime-t-il en disant redouter davantage d'attaques sophistiquées à travers le pays.

Les talibans menacent de fait de recourir à un éventail de stratégies, de la guérilla aux attentats suicides, «attaques complexes et attaques de l'intérieur» retournant des soldats ou des policiers contre leurs pairs.

Ces dernières sont particulièrement redoutées car elles entament le moral des troupes.

C'est le cas de l'assaut contre la base du 209e Corps d'armée le 21 avril dans le nord, revendiqué par les talibans. Quatre des assaillants y avaient précédemment servi, et trente-cinq membres de la base ont été interpellés dans le cadre de l'enquête.

Preuve qu'ils se sentent confortés par leurs gains territoriaux, les talibans promettent d'opérer simultanément «sur deux axes, militaire et politique».

«Dans les régions (...) sous le plein contrôle des moudjahidine, une attention particulière sera portée à l'établissement de mécanismes de justice sociale et de développement», assurent-ils.

Ils ont déjà établi une administration parallèle dans les régions qu'ils contrôlent, comme dans le Helmand, la province du pavot dans le sud, dont ils encerclent la capitale, Lashkar-Gah.

Depuis plusieurs années, les combats marquent le pas mais sans cesser pendant la traditionnelle trêve hivernale.

Ils ont déjà fait plus de 2100 victimes civiles au cours des trois premiers mois de 2017, selon le décompte des Nations unies. En 2016, plus de 11 500 civils ont trouvé la mort dans les combats entre insurgés et forces gouvernementales.