La récente publication d'un rapport sévère pour Benyamin Nétanyahou sur la guerre de Gaza en 2014 pourrait nuire à la réputation de «Monsieur sécurité» qui contribue à la longévité et la popularité du premier ministre, estiment des analystes.

Rédigé par le contrôleur de l'État, Yossef Shapira, le rapport officiel publié mardi dénonce les décisions prises par le premier ministre durant cette guerre qui avait fait côté israélien 74 morts, dont 68 soldats.

Il accuse M. Nétanyahou et le ministre de la Défense de l'époque, Moshé Yaalon, d'avoir mal préparé Israël aux attaques menées via des tunnels souterrains creusés par le Hamas palestinien entre la bande de Gaza et le territoire israélien et de n'avoir communiqué au gouvernement qu'une partie des informations dont ils disposaient sur le sujet.

Le premier ministre a aussitôt rejeté les conclusions du rapport en l'accusant de s'en prendre à l'armée, tandis que l'opposition réclamait sa démission.

Le rapport a été rendu public alors que Benyamin Nétanyahou, au pouvoir depuis 8 ans, tente de limiter les dégâts potentiels que pourraient provoquer une série d'enquêtes sur des soupçons de corruption.

La dernière guerre de Gaza avait fait côté palestinien 2251 morts et 100 000 sans-logis, selon l'ONU.

Les tunnels ont été une des armes les plus efficaces du Hamas durant les 50 jours qu'avait duré cette guerre à l'été 2014. Cinq soldats avaient ainsi été tués le 29 juillet en territoire israélien dans une attaque de combattants du Hamas qui avaient surgi d'un tunnel près du kibboutz de Nahal Oz.

Appels à démissionner

Le chef de l'opposition Isaac Herzog s'est saisi de ses conclusions pour réclamer la démission du premier ministre.

Mais un départ de M. Nétanyahou a peu de chance de se produire dans l'immédiat, estime Gil Hoffman, correspondant politique du quotidien Jerusalem Post, soulignant néanmoins que le rapport allait porter atteinte à sa réputation de «Monsieur Sécurité» qui lui avait permis de remporter les élections en 2015.

«Nétanyahou a persuadé les Israéliens que lui seul et seulement était capable de leur donner un sentiment de sécurité», explique-t-il à l'AFP.

Mais, souligne-t-il, M. Nétanyahou ne pourra plus revendiquer ce rôle s'il se présente aux prochaines élections et qu'il est confronté à un candidat issu des milieux de sécurité, qui exploitera les conclusions du rapport pour entamer la crédibilité du chef du gouvernement sur la question.

Naftali Bennett, le ministre de l'Éducation et chef du parti nationaliste religieux Foyer Juif, apparaît comme le politicien le mieux placé pour profiter de la publication du rapport.

Il a constamment accusé le premier ministre de ne pas avoir partagé les informations durant la guerre de Gaza.

«Le rapport porte au crédit de Bennett d'avoir posé les bonnes questions», estime Yossi Mekelberg, du groupe de réflexion britannique Chatham House, en ajoutant: «Bennett n'a pas obtenu les bonnes réponses».

Considéré comme le rival le plus sérieux de Benyamin Nétanyahou au sein de la droite, M. Bennett est resté silencieux sur le rapport mais la ministre de la Justice, Ayalet Shaked, membre de son parti, a exprimé publiquement son soutien au rapport.

«Masse critique»

En 2007, un rapport préliminaire sur la guerre menée l'année précédente au Liban avait sévèrement critiqué le premier ministre de l'époque Ehud Olmert. Benjamin Nétanyahou, leader de l'opposition avait alors appelé à sa démission et encouragé des dizaines de milliers de manifestants à descendre dans la rue.

«Ceux qui ont échoué durant la guerre ne peuvent pas être ceux qui en corrigent les erreurs», avait proclamé Benyamin Nétanyahou.

Ehud Olmert avait finalement démissionné un an plus tard à la suite d'accusations de corruption. Cela rappelle ce qui se passe actuellement concernant M. Nétanyahou, estime Gil Hoffman.

Mais Liran Ofek de l'Institution pour les Études sur la sécurité nationale rappelle que la guerre de 2006 avait été considérée comme un échec alors que pour la majorité des Israéliens l'offensive de Gaza en 2014 est vue comme un succès relatif.

«En 2014, Israël n'a pas détruit le Hamas, mais il l'a affaibli», constate-t-il.

Pour Yossi Mekerlberg, le premier ministre va continuer à balayer d'un revers de main le rapport et les soupçons de corruption. Mais «la question est de savoir à quel moment on atteint le point où la masse devient critique, où trop c'est trop».