Des roquettes ont été tirées samedi soir sur le secteur ultra-sécurisé de Bagdad, quelques heures après des affrontements sanglants entre les forces de sécurité et des manifestants réclamant des réformes.

Sept personnes ont été tuées et plus de 200 blessées selon la police dans cette manifestation, la plus meurtrière depuis qu'a débuté en 2015 un mouvement de contestation contre la classe politique, accusée de corruption et népotisme.

L'instance chargée de coordonner les opérations de sécurité en Irak a fait état en soirée de «plusieurs roquettes Katioucha» ayant frappé la Zone verte, qui abrite les institutions clé du pays et des ambassades dont celle des États-Unis.

Les roquettes ont été tirées depuis Baladiyat et la rue Palestine, des secteurs dans le nord de la capitale, a indiqué dans un communiqué le Commandement joint des opérations, sans dire qui les avaient tirées.

Des responsables de la police et du ministère de l'Intérieur ont confirmé ces tirs, mais n'étaient pas en mesure de dire dans l'immédiat ce qu'ils visaient exactement ni s'ils avaient fait des victimes.

Contactés par l'AFP, un député qui vit dans la Zone verte a fait état d'au moins six roquettes, alors qu'un diplomate a parlé de quatre tirs.

Routes fermées

Plusieurs routes ont été fermées samedi soir à Bagdad et des forces de sécurité supplémentaires ont été déployées à travers la capitale.

Des milliers de manifestants, essentiellement des partisans de l'influent leader chiite Moqtada Sadr, s'étaient rassemblés pacifiquement à la mi-journée place Tahrir, dans le centre de Bagdad, pour réclamer des réformes, en particulier sur la loi électorale.

Certains d'entre eux avaient ensuite tenté de franchir de force un cordon policier sécurisant la voie principale conduisant à la Zone verte, a affirmé un responsable de la police.

«Les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes pour les stopper, mais ils ont insisté», a-t-il dit.

«Les violences ont fait sept morts, dont deux membres des forces de l'ordre et cinq manifestants», a déclaré à l'AFP un colonel de la police, qui a également fait état de plus de 200 blessés.

La grande majorité des blessés sont des manifestants ayant été asphyxiés par les gaz lacrymogènes, mais au moins 11 souffrent de blessures plus graves, causées par les balles et les bombes lacrymogènes.

Le premier ministre irakien Haider al-Abadi a assuré qu'une enquête serait ouverte pour identifier et juger les responsables des violences.

Moqtada Sadr, devenu populaire en se rebellant contre les Américains après l'invasion de l'Irak en 2003, lutte ces dernières années pour l'adoption de réformes.

Avant la manifestation, il avait encouragé ses partisans à se rendre près de la Zone verte pour clamer haut et fort leurs revendications, tout en les exhortant de ne pas y entrer de force. Ses partisans avaient envahi cette zone l'année dernière à deux reprises.

Moqtada Sadr, basé dans la ville sainte de Najaf (centre), a appelé le premier ministre Haider al-Abadi à répondre à ses revendications.

«Se débarrasser des corrompus»

«Je l'exhorte à introduire les réformes dans l'immédiat, écouter la voix du peuple et se débarrasser des corrompus», a-t-il lancé dans un communiqué.

L'année dernière, les partisans de Moqtada Sadr ont manifesté maintes fois pour réclamer des réformes politiques, surtout la formation d'un nouveau gouvernement, et protester contre l'inaction du Parlement.

Cette semaine, des centaines de personnes avaient manifesté en faveur des réformes près de la Zone verte et dans plusieurs villes du sud de l'Irak.

Les protestataires estiment notamment que la loi électorale actuelle sert les intérêts des grands partis qu'ils accusent de corruption, et jugent que la commission électorale, qui siège aussi dans la Zone verte, n'est pas indépendante.

Nos «politiciens ont créé une commission électorale basée sur des quotas confessionnels. Elle possède neuf commissaires qui appartiennent à des groupes politiques. Elle n'est pas indépendante», a déclaré Sinan al-Azzawi, un célèbre acteur irakien qui a pris part à la manifestation de samedi.

Le gouvernement Abadi a fixé les prochaines élections provinciales à septembre. Leurs résultats sont perçus comme un baromètre pour les élections législatives prévues en 2018.

Les violences de samedi interviennent alors que les forces de sécurité irakiennes sont en pleine offensive à Mossoul, dans le nord du pays, d'où elles tentent de chasser le groupe djihadiste État islamique (EI).