Une résolution réclamant l'arrêt de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens a été adoptée vendredi par le Conseil de sécurité de l'ONU après la décision des États-Unis de ne pas utiliser leur droit de veto.

Dans un renversement de leur position habituelle sur ce dossier, les États-Unis se sont abstenus. Les 14 autres membres du Conseil de sécurité ont eux voté en faveur du texte.

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Israël ne se conformera pas à la résolution réclamant l'arrêt de la colonisation adoptée vendredi par le Conseil de sécurité de l'ONU, a indiqué vendredi le bureau du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu

« Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s'y conformera pas », indique un communiqué des services de M. Nétanyahou.

Il s'agit d'« un grand camouflet » pour Israël, a immédiatement réagi Nabil Abou Roudeina, porte-parole de la présidence palestinienne. « Il s'agit d'une condamnation internationale unanime de la colonisation et d'un fort soutien à une solution à deux États », a-t-il ajouté

Le vote, qui a été accueilli par des applaudissements, avait été réclamé par la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela.

Ces quatre pays se sont impliqués après la volte-face du Caire qui avait proposé mercredi soir cette résolution rédigée par les Palestiniens et présentée au nom du groupe arabe à l'ONU. Mais l'Égypte avait demandé jeudi le report du vote initial, après une intervention du président désigné américain Donald Trump auprès du président Abdel Fattah al-Sissi.

Quelques minutes à peine après le vote, le président désigné Donald Trump a réagi sur Twitter en informant l'ONU que les choses seraient différentes une fois qu'il sera au pouvoir, soit le 20 janvier prochain.

Israël «lâché» par Washington 

Un ministre israélien a estimé vendredi qu'avec l'abstention américaine lors du vote d'une résolution de l'ONU contre les colonies israéliennes, les États-Unis avaient « lâché » leur « seul ami » au Moyen-Orient.

« Ce n'est pas une décision contre les colonies, mais contre Israël, contre le peuple juif », a déclaré le ministre de l'Énergie Youval Steinitz à la deuxième chaîne de télévision israélienne.

« Ce soir, les États-Unis ont lâché leur allié, leur seul ami au Moyen-Orient (...) Cela fait mal au coeur de voir qu'après huit ans d'amitié avec le gouvernement (américain de Barack) Obama, huit ans où il y a aussi eu des divergences notamment sur le dossier iranien, mais huit ans d'amitié et de coopération, on en arrive à cet acte hostile », a-t-il ajouté.

Sollicité par l'AFP, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a quant à lui indiqué qu'il n'avait « pas de réaction à ce stade ».

Ce texte qui exhorte Israël à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est », a déclenché une offensive diplomatique de la part de l'État hébreu qui s'est immédiatement tourné vers son allié américain.

Washington a en effet utilisé son droit de veto 30 fois pour bloquer des résolutions concernant Israël et les Palestiniens, selon l'organisation Security Council Report.

C'est en 2009, concernant un appel à un cessez-le-feu à Gaza, que les États-Unis se sont abstenus pour la dernière fois lors d'un vote au Conseil de sécurité, quel qu'en soit le thème.

En 2011, ils avaient opposé leur veto à une résolution similaire au projet égyptien. Mais cinq ans plus tard, la position de l'administration de Barack Obama, qui entretient des relations notoirement exécrables avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, faisait l'objet de nombreuses spéculations.

Il est finalement apparu clair aux Israéliens qu'à quelques jours de céder le pouvoir à Donald Trump - dont l'une des promesses de campagne est de reconnaître Jérusalem comme « capitale indivisible » d'Israël -, l'équipe Obama n'avait pas l'intention de faire usage de son droit de veto.

« Quand ils ont eu connaissance du fait que (l'administration américaine actuelle) ne mettrait pas son veto à cette résolution, des responsables israéliens ont pris contact avec des membres de l'équipe de transition de M. Trump pour demander l'aide du président désigné », a affirmé vendredi à l'AFP un responsable israélien sous couvert d'anonymat.

Obama et Kerry « derrière » le projet

Donald Trump qui avait très vite plaidé pour un veto américain, dans une rare prise de position pour un président désigné, a alors appelé le président Sissi, selon un communiqué de la présidence égyptienne.

« Les deux dirigeants se sont mis d'accord sur l'importance de donner à la nouvelle administration américaine (que dirigera M. Trump à partir du 20 janvier) une chance de gérer tous les aspects de la cause palestinienne pour arriver à un accord complet » sur le dossier, d'après ce communiqué.

Le retournement du président égyptien a surpris, mais il fait suite à de nombreuses preuves d'admiration pour M. Trump. Cet ancien officier de l'armée avait renversé son prédécesseur islamiste en 2013, un acte condamné par M. Obama.

Un haut responsable israélien a aussi accusé vendredi Barack Obama et son secrétaire d'État John Kerry d'être à l'origine du projet de résolution égyptien.

« L'administration américaine a secrètement concocté avec les Palestiniens une résolution anti-israélienne radicale, derrière le dos d'Israël, qui encouragerait le terrorisme et les boycottages », a-t-il déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat.

« Le texte que nous avons ne se concentre pas exclusivement sur les colonies. Il condamne également la violence et le terrorisme. Il appelle aussi à éviter toute incitation émanant du côté palestinien, donc c'est un texte équilibré », a cependant jugé l'ambassadeur de France auprès des Nations unies, François Delattre.

« L'objectif principal que nous avons ici est de préserver et de réaffirmer une solution à deux États » palestinien et israélien qui cohabiteraient dans la paix et la sécurité, a expliqué M. Delattre.

Le projet égyptien considère à ce sujet que la colonisation est « dangereuse pour la viabilité d'une solution à deux États ».

La colonisation est vue comme un frein majeur au processus de paix, les constructions israéliennes étant effectuées sur des terres qui pourraient appartenir à un futur État palestinien.

Les Nations unies la considèrent comme illégale au regard du droit international et ont appelé à plusieurs reprises Israël à y mettre fin. Malgré cela, des responsables onusiens ont constaté une augmentation des constructions ces derniers mois et certains responsables israéliens voient l'élection de Donald Trump comme une opportunité d'étendre la colonisation.