La coalition militaire arabe intervenant au Yémen accuse les rebelles chiites Houthis de violer systématiquement la trêve de 72 heures entrée en vigueur sous pression internationale mercredi soir.

«Il n'y a pas de cessez-le-feu du tout», a déclaré jeudi à l'AFP le porte-parole de la coalition arabe conduite par l'Arabie saoudite Mohammed al-Assiri, accusant les Houthis de procéder à des tirs de mortier y compris en territoire saoudien.

Cela a obligé, selon lui, les forces de la coalition qui agissent au Yémen, en soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi et contre les Houthis, à riposter à l'origine des tirs.

«C'est la même chose que lors des précédents cessez-le-feu», a affirmé ce porte-parole, en référence aux trêves qui ont échoué dans le passé.

Selon lui, pas moins de 43 violations du cessez-le-feu commises par les Houthis ont été enregistrées en moins de 12 heures.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, qui était reçu jeudi à Washington par son homologue américain John Jerry, a pour sa part parlé de «150 violations» de la trêve, estimant même qu'il y a une «escalade de la violence» des insurgés Houthis alliés aux forces fidèles à l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh.

M. Kerry l'a interrompu, pour affirmer au contraire que le cessez-le-feu «restait en vigueur».

Au moins 11 personnes ont été tuées jeudi au premier jour de la trêve, dans des violences entre les partisans du président yéménite et les rebelles Houthis.

La défense civile saoudienne a indiqué qu'un civil saoudien et sa fille ont été blessés dans le sud du pays par des tirs en provenance du Yémen.

Des sources militaires loyalistes yéménites ont fait état de combats sur différents fronts après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu parrainé par l'ONU.

Cette trêve, entrée en vigueur sous pression internationale, mercredi à 23 h 59 locales (16 h 59 heure de Montréal), avait fait naître l'espoir d'un règlement pour cette guerre qui a fait plus de 6900 morts, 35 000 blessés et déplacé plus de trois millions de personnes depuis mars 2015.

Accusations mutuelles

Un porte-parole loyaliste, le général Samir al-Haj a lui affirmé avoir recensé 69 violations par les rebelles à Taëz, grande ville du sud-ouest, et neuf autres à Nahm, au nord-est de la capitale Sanaa.

Plus au nord, sur la frontière saoudienne, des accrochages ont fait deux morts parmi les combattants progouvernementaux, selon un autre porte-parole loyaliste, Mohammed al-Adani.

Trois rebelles ont par ailleurs péri dans la province de Hodeida, sur la mer Rouge, dans deux attaques séparées, ont indiqué des sources militaires yéménites.

Les armes ne se sont pas tues sur d'autres fronts qui s'étaient embrasés mercredi faisant 35 morts dans les deux camps juste avant la trêve.

Près de Midi, ville portuaire frontalière de l'Arabie saoudite, trois combattants progouvernementaux ont été tués par les rebelles qui ont lancé après minuit une contre-offensive pour tenter de reprendre des positions perdues, selon une source loyaliste.

Selon l'agence rebelle sabanews.net, trois civils ont péri dans un raid aérien dans la province de Saada, fief des Houthis dans le nord.

Le porte-parole militaire des rebelles, le général Sharaf Lokman, a prôné le respect du cessez-le-feu tout en enjoignant à ses hommes de «garder le doigt sur la gâchette».

Lors d'un entretien avec le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, le président Hadi a déclaré avoir ordonné à ses hommes de continuer à «observer la trêve».

«Guerre absurde»

La population du yémen, pays le plus pauvre de la Péninsule arabique, se sent désabusée par des trêves à répétition, rapidement violées. Il s'agit du 6e cessez-le-feu.

«Nous voulons une trêve durable», dit Sadok Abdallah, 28 ans, un habitant de Sanaa.

«Nous voulons un arrêt de la guerre. Nous voulons nos salaires que nous n'avons pas perçus depuis trois mois à cause de cette guerre absurde», témoigne Ali al-Douch. Ce fonctionnaire de 32 ans fait également part de sa frustration face à la situation périlleuse de la Banque centrale.

Cette banque a vu son siège transféré de Sanaa à Aden par une décision du gouvernement Hadi qui accusait les rebelles d'avoir puisé jusqu'à 1,6 milliard US dans les réserves en devises pour financer leur effort de guerre.