L'armée israélienne a arrêté jeudi un soldat soupçonné d'avoir achevé un Palestinien blessé après avoir attaqué des militaires en Cisjordanie occupée, un incident documenté par une vidéo mise en ligne et susceptible d'attiser les tensions.

Les faits semblent être l'un des cas les plus flagrants d'usage excessif de la force par les forces israéliennes au cours de la vague de violences commencée depuis bientôt six mois.

Ils ont immédiatement été dénoncés comme une «exécution» par les défenseurs des droits de l'Homme et comme un «crime de guerre» par les Palestiniens.

Le premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que l'armée «attendait de ses soldats qu'ils agissent calmement et respectent les règles d'engagement», alors que son ministre de la Défense Moshé Yaalon a promis «la plus grande sévérité».

La vidéo a été prise quelques instants après une énième attaque au couteau commise, selon l'armée, par deux Palestiniens contre des soldats à l'entrée de Tel Rumeida, l'un des quartiers les plus tendus entre Palestiniens et colons israéliens à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.

Les deux Palestiniens sont au sol à un carrefour tandis que les secouristes soignent un soldat blessé, au milieu des ambulances et des soldats.

Le Palestinien au premier plan, semble-t-il agonisant dans son sang, bouge encore faiblement la tête quelques secondes avant l'instant apparemment fatidique.

Un soldat fait quelques pas et le met en joue à environ cinq mètres alors qu'il ne représente plus aucune menace. Une déflagration retentit. Quelques secondes après, le sang s'écoule sous la tête du Palestinien, inerte. Les soldats à proximité se contentent d'un mouvement de recul au son de la détonation.

«Crime de guerre potentiel»

Les Palestiniens ont été identifiés comme Abdel Fattah al-Sharif, encore vivant au début de la vidéo, et Ramzi al-Qasrawi. Tous deux avaient 21 ans.

L'armée s'est contentée initialement de rapporter la mort de deux Palestiniens abattus après avoir gravement blessé un soldat. Plus tard, elle a annoncé le placement en détention du tireur et l'ouverture d'une enquête.

Elle a assuré que les investigations avaient été lancées avant que la vidéo ne se propage.

Ces agissements sont «extrêmement graves et en contradiction claire avec les valeurs de l'armée d'Israël», a dit M. Yaalon. Ils «seront traités avec la plus grande sévérité».

«Ce qui s'est passé à Hébron ne reflète pas les valeurs de l'armée israélienne», a déclaré de son côté M. Netanyahu.

Un porte-parole de l'armée, le colonel Peter Lerner, a précisé que l'enquête chercherait aussi à déterminer si le soldat avait reçu des ordres.

Le ministre palestinien de la Santé Jawad Awwad a dénoncé un «crime de guerre».

Sarit Michaeli, une porte-parole de B'Tselem, une ONG israélienne de défense des droits de l'Homme dans les Territoires palestiniens, a parlé d'une «exécution».

C'est un volontaire de B'Tselem, vivant près des lieux, qui a filmé les faits.

Abattre un blessé, même auteur d'un attentat, «est absolument injustifiable et doit être poursuivi comme un crime de guerre potentiel», a dit Amnesty International.

Hébron sous haute surveillance

Ces évènements sont survenus dans un contexte de violences renouvelées dont Hébron est l'un des centres de gravité et qui ont coûté la vie à 200 Palestiniens, 28 Israéliens, deux Américains, un Érythréen et un Soudanais depuis le 1er octobre, selon un décompte de l'AFP.

La plupart des Palestiniens morts sont des auteurs ou auteurs présumés d'attaques.

Hébron, où 500 colons vivent retranchés sous haute protection de l'armée au milieu de 200 000 Palestiniens, a été le théâtre d'une multitude d'attaques.

Pour les colons, leur présence est un acte idéologique renvoyant à la présence juive aux temps bibliques. Hébron abrite le tombeau des Patriarches, vénéré par les juifs et les musulmans.

Le dispositif israélien avait été renforcé jeudi à Hébron en prévision du défilé de Pourim, grand moment festif juif. L'attaque s'est produite à l'endroit d'où est parti le cortège quelques heures après. Toute la Cisjordanie a été bouclée pour Pourim.

Les forces israéliennes ont maintes fois été accusées d'exécutions extrajudiciaires. Les Palestiniens ont annoncé la constitution d'un dossier pour la Cour pénale internationale.

Israël a un «long passé» d'exécutions extrajudiciaires, a dit Amnesty, en parlant d'une «culture de l'impunité».

Le chef d'état-major israélien lui-même, le général Gadi Eisenkot, a divisé les esprits en Israël en février en déclarant ne pas vouloir voir un soldat «vider son chargeur» sur une Palestinienne de 13 ans armée d'une paire de ciseaux, même si elle attaquait des soldats.