Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou fait examiner depuis mercredi la possibilité d'expulser vers la bande de Gaza les proches des auteurs palestiniens d'attentats, éventualité aussitôt décriée par les défenseurs des droits de l'Homme, pourtant sceptiques quant à sa faisabilité.

M. Netanyahou, confronté depuis cinq mois à une nouvelle vague de violences, a demandé au conseiller juridique du gouvernement «de vérifier la possibilité juridique de transférer vers la bande de Gaza les membres des familles de terroristes ayant aidé ces derniers», a dit le bureau du premier ministre.

«Je pense que cela réduira de manière spectaculaire les agissements terroristes contre Israël, ses citoyens et ses habitants», a écrit M. Netanyahou dans sa lettre au conseiller Avichai Mandelblit, publiée sur le site du quotidien Haaretz.

Cette initiative s'inscrit dans un contexte de tensions israélo-palestiniennes renouvelées et de fortes pressions exercées sur M. Netanyahou par l'aile la plus à droite de son camp.

Les attaques quasiment quotidiennes, au couteau surtout, mais aussi à l'arme à feu et à la voiture bélier ainsi que les heurts entre Palestiniens et forces israéliennes ont coûté la vie à 180 Palestiniens, 28 Israéliens, un Américain, un Érythréen et un Soudanais depuis le 1er octobre, selon un décompte de l'AFP.

La plupart des Palestiniens tués sont des auteurs ou auteurs présumés d'attentats.

Gaza comme un repoussoir

Mercredi encore, deux Palestiniens de 18 ans infiltrés dans la colonie israélienne d'Eli en Cisjordanie occupée ont légèrement blessé un colon qui a réussi à se barricader dans sa maison avec sa femme et ses enfants, jusqu'à ce que des soldats israéliens abattent les agresseurs, a rapporté l'armée israélienne.

Le gouvernement de droite de M. Netanyahou a déjà pris des mesures vigoureuses et dénoncées pour certaines comme contraires au droit international et relevant du châtiment collectif, comme la démolition des maisons d'auteurs d'attentat.

L'expulsion de proches d'auteurs d'attaques vers la bande de Gaza durcirait encore la répression. Israël a par le passé expulsé vers Gaza des détenus palestiniens sortis de prison dans le cadre d'échanges de prisonniers.

Ceux qui soutiennent de telles expulsions misent sur l'effet de repoussoir qu'a la bande de Gaza.

Quiconque serait transféré dans la bande de Gaza, séparée géographiquement de la Cisjordanie avec laquelle elle est censée former un jour un État palestinien, trouverait un territoire exigu coupé du monde par la barrière de sécurité israélienne et la frontière égyptienne, avec très peu d'espoir d'en sortir.

Théâtre d'une quasi-guerre civile palestinienne en 2007 et de trois guerres avec Israël en six ans, la bande de Gaza dirigée sans partage par le mouvement islamiste Hamas et soumise aux blocus israélien et égyptien est en proie à une crise humanitaire et à un marasme économique profond.

Une enclave bientôt invivable ?

Le chômage y est l'un des plus élevés au monde. Une agence de l'ONU prédisait en 2015 que l'enclave pourrait devenir inhabitable en 2020.

Cependant, le succès de l'initiative de M. Netanyahou semble incertain. Le conseiller juridique que M. Netanyahou a sollicité, a exprimé il y a quelques jours son opposition à de telles expulsions, illégales selon lui au regard des lois israéliennes et internationales, ont rapporté les médias.

«Toute forme de châtiment collectif est illégal», a déclaré à l'AFP Sarit Michaeli, porte-parole de B'Tselem, ONG israélienne qui documente les violations des droits de l'Homme dans les Territoires occupés. «Nous sommes là en complète violation de la loi internationale et des Conventions de Genève», a-t-elle insisté.

«J'ai du mal à croire que (M. Mandelblit) donnera son accord à une législation encore plus draconienne que celle héritée du mandat» britannique, qui n'autorise à expulser que les auteurs d'attentat eux-mêmes, a dit à la radio publique le professeur Moshe Negbi, expert en droit.

«De toute évidence, le premier ministre est soumis à une forte pression de la droite et de politiciens qui l'accusent d'être trop mou», dit Mme Michaeli. L'un de ses principaux rivaux au sein de son parti, son ministre des Transports Israël Katz, avait défendu ces expulsions mardi.

Le Hamas, lui, a dénoncé «une escalade dangereuse».

«Si cette décision est appliquée, a dit à l'AFP Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas à Gaza, «elle produira le résultat contraire et renforcera l'intifada palestinienne». Le Hamas qualifie les violences actuelles d'intifada, nom utilisé pour les soulèvements palestiniens de 1987-1993 et 2000-2005.