L'Iran a accusé jeudi l'aviation saoudienne d'avoir bombardé son ambassade au Yémen et a interdit l'entrée de tous les produits saoudiens, nouvel épisode dans la flambée de tensions entre les deux pays après l'exécution par Riyad d'un religieux chiite saoudien.

Téhéran va protester auprès du Conseil de sécurité de l'ONU au sujet du bombardement, a déclaré jeudi le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir Abdollahian, cité par l'agence officielle Irna.

«Lors d'une attaque aérienne de l'Arabie saoudite contre Sanaa, une roquette est tombée à proximité de notre ambassade et malheureusement, un de nos gardes a été grièvement blessé (...). Nous allons informer d'ici quelques heures le Conseil de sécurité des détails de cette attaque», a déclaré M. Abdollahian.

«L'Arabie saoudite est responsable de la sécurité de nos diplomates et de notre ambassade à Sanaa», a-t-il ajouté.

Selon Téhéran, le bombardement de son ambassade au Yémen est «une action délibérée de l'Arabie saoudite» et viole «les conventions internationales pour protéger les missions diplomatiques (...)».

L'Arabie est à la tête d'une coalition arabe qui intervient au Yémen en soutien au président Mansour Abd Rabbo Mansour Hadi contre des rebelles chiites soutenus par l'Iran.

«Le gouvernement saoudien est responsable des dégâts causés et de la situation des membres du personnel qui ont été blessés», a accusé le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Jaber Ansari, cité par la télévision d'État.

«La République islamique d'Iran se réserve le droit de défendre ses droits dans cette affaire», a-t-il ajouté.

L'Iran a dans le même temps annoncé l'interdiction de l'entrée de tous les produits saoudiens ou en transit depuis l'Arabie saoudite, selon le site du gouvernement.

L'interdiction du petit pèlerinage de La Mecque (omra), auquel se rendaient d'habitude quelque 50 000 pèlerins iraniens et parfois jusqu'à 850 000, est également «maintenue jusqu'à nouvel ordre».

Déjà tendues, les relations entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite se sont encore détériorées début janvier.

Riyad a rompu dimanche ses relations avec l'Iran à la suite de l'attaque de ses missions diplomatiques samedi à Téhéran et à Machhad par des manifestants en colère qui protestaient contre l'exécution du dignitaire religieux chiite saoudien, cheikh Nimr al-Baqer al-Nimr.

L'exécution de ce critique du régime saoudien a provoqué l'indignation au sein des communautés chiites dans plusieurs pays de la région.

Le gouvernement iranien a condamné l'attaque de l'ambassade et du consulat saoudiens et plus de 40 personnes ont été arrêtées, mais ceci n'a pas suffi pour calmer la colère de l'Arabie saoudite.

La décision de Riyad de rompre ses relations avec l'Iran a été suivie par Bahreïn, le Soudan puis Djibouti mercredi. Les Émirats arabes unis ont eux décidé de réduire leurs relations diplomatiques avec Téhéran, et le Koweït, tout comme le Qatar, ont rappelé leur ambassadeur en Iran. La Jordanie a de son côté convoqué l'ambassadeur iranien à Amman.

Ces tensions inquiètent la communauté internationale. Elle tente d'apaiser la crise ouverte entre les deux poids lourds de la région qui s'opposent depuis des années sur de nombreux dossiers de l'Irak au Liban en passant par les guerres au Yémen et en Syrie.

Nouvelles manifestations

L'Irak majoritairement chiite comme l'Iran a proposé d'oeuvrer à faire baisser la tension afin de ne «pas entraîner la région dans une guerre qui ne pourrait avoir de vainqueur».

Le président iranien Hassan Rohani a pourtant une nouvelle fois déploré mercredi que «les positions et les récentes actions de l'Arabie saoudite accentuent les divergences et les fossés dans la région».

De nouvelles manifestations contre l'exécution du cheikh Nimr ont été annoncées en Iran à l'occasion de la prière du vendredi.

Les tensions entre Téhéran et Riyad affectent aussi les cours du pétrole.

Le WTI, le pétrole échangé à New York, a atteint jeudi son niveau le plus bas en douze ans (32,10 $) dans un marché asphyxié par l'excédent d'offres, et que les tensions croissantes au Moyen-Orient, les derniers chiffres sur les stocks américains de brut et les mauvaises données chinoises ont plombé.

Sur le plan économique, l'interdiction des importations saoudiennes ou ayant transité par l'Arabie saoudite pourrait avoir un impact de plusieurs millions de dollars.

Les importations en Iran en provenance d'Arabie saoudite se sont élevées à 40 millions de dollars au cours des huit premiers mois de l'année iranienne (qui a débuté le 20 mars), selon des chiffres officiels, contre 132 millions de dollars d'exportations.

Les pèlerins iraniens dépensaient quant à eux entre un et deux milliards de dollars en Arabie saoudite et leur absence pourrait constituer une perte financière pour Riyad.

PHOTO KHALED ABDULLAH, REUTERS

Des partisans de la rébellion houthie ont manifesté jeudi devant l'ambassade d'Arabie saoudite à Sanaa pour dénoncer l'exécution du dignitaire religieux chiite saoudien, cheikh Nimr al-Baqer al-Nimr.