Le 2 janvier, quand l'Arabie saoudite a annoncé qu'elle venait d'exécuter Nimr Baqer al-Nimr, la réaction ne s'est pas fait attendre.

Dans l'est de l'Arabie saoudite qui abrite la grande majorité des 2 millions de chiites qui vivent dans le royaume sunnite, représentant un peu plus de 10 % de la population, des manifestations ont immédiatement éclaté.

Même scénario à Bahreïn, petit royaume voisin et en Iran, où des protestataires ont attaqué l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran et le consulat à Machhad.

Pour les protestataires, Nimr Baqer al-Nimr est un martyr, mort parce qu'il a osé défendre la minorité chiite de l'Arabie saoudite. Pour la justice saoudienne qui l'a condamné à mort lors d'un procès jugé inéquitable par les organisations de défense des droits de la personne en 2014, Nimr al-Nimr était un fauteur de troubles qui appelait au renversement de la monarchie saoudienne.

VINGT ANS DE DISSIDENCE

Né dans un village près de Qatif, port stratégique de la péninsule arabique et centre névralgique du chiisme en Arabie saoudite, Nimr Baqer al-Nimr a étudié en Iran et en Syrie avant de revenir s'installer en Arabie saoudite dans les années 90.

Reconnu pour ses prêches du vendredi dans la mosquée d'Al-Awamia, il a vite attiré l'attention des autorités en prônant la liberté religieuse et en dénonçant la discrimination dont les chiites sont victimes en Arabie saoudite et à Bahreïn.

Ses opinions lui ont valu deux séjours en prison en 2004 et en 2006, au cours desquels il a rapporté avoir été battu par les forces de l'ordre.

La répression du régime ne l'a cependant pas dissuadé de soutenir les manifestations qui ont eu lieu dans l'est de l'Arabie saoudite dans la foulée du Printemps arabe, en 2011 et 2012. « Ses prêches étaient parfois très radicaux. Il appelait à la chute de la monarchie et certains pouvaient y voir un appel à la violence », dit Thomas Juneau, professeur adjoint à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.

En 2012, lors de son arrestation par les autorités saoudiennes, Nimr Baqer al-Nimr a été atteint par plusieurs projectiles. Une photo le montrant ensanglanté avait soulevé l'ire des chiites dans tout le Moyen-Orient.

En 2014, l'homme dans la cinquantaine a été condamné à mort par décapitation pour «incitation à la haine», «recherche d'ingérence étrangère» et «prise d'armes contre les forces de l'ordre». Sa sentence veut aussi que sa dépouille, crucifiée, soit exposée en public.

Son neveu, Ali Mohammed al-Nimr, dans la jeune vingtaine, a reçu la même sentence, mais cette dernière n'a pas encore été exécutée.

«UN HOMME INNOCENT»

Ce week-end, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déploré la mort de l'ayatollah saoudien.

«La seule chose qu'il a faite a été de formuler des critiques haut et fort et de conseiller aux gens de faire le bien et leur déconseiller de faire le mal», a dit l'ayatollah avant de prononcer une menace voilée à l'endroit de l'Arabie saoudite. «Verser le sang d'un innocent va causer des problèmes sérieux pour les politiciens et les criminels de ce régime très bientôt», a dit le leader religieux.

PHOTO ARCHIVES AFP

Nimr Baqer al-Nimr avait été blessé à la jambe lors de son arrestation, le 8 juillet 2012.

PHOTO VAHID SALEMI, ASSOCIATED PRESS

En 2014, Nimr Baqer al-Nimr a été condamné à mort par décapitation pour « incitation à la haine », « recherche d’ingérence étrangère » et « prise d’armes contre les forces de l’ordre ».