C'est un cri de désespoir que lance Raif Badawi. Le blogueur saoudien a entrepris mardi une grève de la faim, a rapporté sa femme, jeudi, implorant de nouveau le premier ministre Justin Trudeau de le faire libérer.

« J'ai peur pour sa santé, confie au téléphone Ensaf Haidar. Je suis très inquiète. »

La femme de Raif Badawi a appris jeudi matin par des proches en Arabie saoudite que son mari avait entrepris une grève de la faim, mardi.

« Je n'ai pas pu lui parler depuis une semaine », dit-elle, ajoutant que Raif Badawi avait déjà évoqué avec elle la possibilité de cesser de s'alimenter et que son moral est bas.

Cette grève de la faim accentue l'inquiétude qu'elle a pour son mari, dont la santé serait déjà minée par ses conditions de détention et par le stress causé par l'éventualité d'être flagellé chaque semaine.

Amnistie internationale s'inquiète aussi de l'attitude qu'adopteront les autorités saoudiennes devant cette grève de la faim.

Raif Badawi croupit derrière les barreaux depuis maintenant trois ans et demi pour avoir exprimé ses opinions, notamment sur la place de la religion dans la société saoudienne, les droits des femmes et la démocratie.

Il a été condamné à 10 ans d'incarcération et à 1000 coups de fouet, dont les 50 premiers lui ont été administrés en janvier dernier.

Changement de prison

Raif Badawi aurait par ailleurs été déplacé dans une nouvelle prison située à l'extérieur de la ville de Djeddah, jeudi, selon ce que sa femme a appris.

Ensaf Haidar s'en inquiète, affirmant que les autorités envoient dans cette prison les prisonniers dont les dossiers sont « réglés ».

Or, le cas de Raif Badawi devrait toujours être examiné par la justice, selon ce qu'a affirmé récemment un représentant du ministère saoudien des Affaires étrangères.

Le secrétaire d'État suisse aux Affaires étrangères, Yves Rossier, avait de plus indiqué à son retour d'Arabie saoudite, il y a une dizaine de jours, qu'une procédure de grâce était en cours pour Raif Badawi, information que ni Amnistie internationale, ni Avocats sans frontières, ni les gouvernements québécois ou canadien n'ont été en mesure de confirmer.

Rencontre Québec-Ottawa

Le ministère canadien des Affaires étrangères n'a pas voulu indiquer, jeudi, si le Canada avait eu des discussions avec l'Arabie saoudite depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement à Ottawa.

« Le gouvernement du Canada encourage l'Arabie saoudite à respecter ses obligations internationales quant aux droits de la personne », a répondu dans un courriel à La Presse une porte-parole, Rachna Mishra.

Une rencontre entre le nouveau titulaire du poste, Stéphane Dion, et la ministre québécoise des Relations internationales, Christine St-Pierre, est prévue vendredi prochain, a indiqué à La Presse une source dans l'entourage de la ministre.

Le cas de Raif Badawi figurera parmi les principaux sujets de cette rencontre.

50 rassemblements

L'annonce de la grève de la faim de Raif Badawi survient alors qu'Amnistie internationale tenait jeudi son 50e rassemblement devant l'hôtel de ville de Sherbrooke pour réclamer sa libération.

Ensaf Haidar et Béatrice Vaugrante ont aussi été honorées jeudi par la Commission des droits de la personne, qui rendait hommage à 40 personnalités dans le cadre du 40e anniversaire de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Mme Haidar s'envolera par ailleurs demain pour Strasbourg, en France, où elle recevra au nom de son mari le prix Sakharov 2015, une prestigieuse récompense honorant les défenseurs des droits de la personne et des libertés fondamentales que le Parlement européen a attribuée cette année à Raif Badawi.