La présence de l'armée turque près d'une ville irakienne contrôlée par le groupe armé État islamique constitue une « violation » du droit international, a déploré le président irakien, samedi.

Le président Fuad Masum estime que la présence de la Turquie près de Mossoul, au nord du pays, est une « violation des normes internationales, des lois et de la souveraineté nationale de l'Irak ». Il a ajouté que cela contribuait à accroître les tensions dans la région.

Le président du comité de sécurité et de défense du Parlement irakien, Hakim al-Zamili, est allé encore plus loin en demandant au premier ministre de mener des frappes aériennes contre l'armée turque si elle restait en territoire irakien.

La Turquie a annoncé qu'un bataillon muni de véhicules blindés était dans la région de Bashiqa, près de Mossoul, pour au moins cinq mois dans le cadre d'une mission d'entraînement auprès des soldats combattant le groupe armé État islamique.

La ville dans la province de Ninive est tombée entre les mains des extrémistes en juin 2014 alors que les forces irakiennes s'étaient écroulées. Les plans pour reprendre Mossoul au printemps dernier avaient été écartés puisque le groupe avait pu avancer sur d'autres fronts.

Le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a démenti samedi que le déploiement de soldats turcs dans les environs de la ville de Mossoul constituait le préalable à une opération militaire en Irak, après les critiques de Bagdad appelant Ankara à les retirer immédiatement.

« Le camp de Bashika, à 30 km au nord de Mossoul, est un camp d'entraînement établi en soutien des volontaires qui combattent le terrorisme », a déclaré M. Davutoglu lors d'un discours télévisé.

Le fondateur de la base d'entraînement près de Mossoul, l'ancien gouverneur de la province, Atheel al-Nujaifi, a quand à lui confié à l'Associated Press que les formateurs turcs étaient présents à la demande du premier ministre irakien Haider al-Abadi et du ministre de la Défense, Khaled al-Obeidi. Les Turcs entraînent les troupes, mais ils ne fournissent pas d'armes, selon M. al-Nujaifi.

« Ils ne nous ont pas donné d'armes même si nous leur avons demandé. Nous nous sommes équipés à partir du marché noir avec notre propre argent et nous croyons que ce sont les meilleures troupes pour libérer Mossoul », a-t-il précisé.

La coalition internationale dirigée par les États-Unis a mené 12 frappes aériennes en Irak, vendredi, dont deux près de Mossoul.

Une base permanente?

Un haut responsable des forces kurdes alliées à Ankara, a minimisé ce déploiement en parlant d'une relève de routine de forces turques qui entraînent des combattants anti-EI. Mais selon un journal turc, leur présence serait liée à un accord visant a établir une base permanente dans la région.

Les forces de la région autonome du Kurdistan dans le nord irakien et celles du gouvernement fédéral combattent toutes deux l'EI qui occupe de vastes régions du pays, mais la coopération militaire et politique entre les deux camps est mauvaise.

Selon le commandant des peshmergas - combattants kurdes - dans la région, le général Nureddin Herki, les troupes turques nouvellement arrivées ont simplement pris la relève des soldats qui étaient présents dans le secteur de Zilkan. Une force de protection a accompagné les soldats avant de retourner avec l'ancien contingent en Turquie.

La nouvelle équipe formée notamment d'officiers chargés d'entraîner les forces du « Hachd al-Watani » - des combattants volontaires anti-EI - est arrivée dans le camp de Zilkan pour « remplacer la précédente », a-t-il précisé.

Le général Herki a rejeté les informations selon lesquelles un grand nombre de soldats turcs s'étaient déployés dans le cadre d'une opération destinée à reprendre la ville proche de Mossoul à l'EI.

Mais les médias turcs ont fait état d'un déploiement bien plus important que celui mentionné par le général kurde.

« Avec 600 soldats, la Turquie est en train d'établir une base dans la localité de Bashiqa dans la région de Mossoul », en vertu d'un accord conclu en novembre entre M. Barzani et le ministre turc des Affaires étrangères Feridun Sinirlioglu, écrit le quotidien turc Hurriyet en première page.

Les peshmergas déployés dans la région de Bashiqa sont fidèles à M. Barzani.

Pression sur Abadi

Le déploiement turc est le dernier en date de la série de défis auxquels fait face le premier ministre irakien, qui l'ont poussé à durcir le ton et à proclamer cette semaine que tout déploiement de troupes étrangères sur le sol irakien serait considéré comme un « acte hostile ».

L'appel de deux sénateurs américains à tripler le nombre de troupes américaines en Irak et l'annonce par le secrétaire à la Défense Ashton Carter de l'intention des États-Unis de déployer des forces spéciales dans ce pays pour aider dans la lutte anti-EI ont mis M. Abadi sous forte pression.

Ce dernier veut montrer qu'il cherche à préserver la souveraineté du pays, où sont déployés des milliers de conseillers américains depuis 2014.

Et même s'il souhaite l'appui continu des États-Unis, il doit faire face à l'hostilité envers les Américains des milices chiites locales qui lui sont alliées.

- Avec Agence France-Presse