L'homme politique irakien Ahmed Chalabi, qui a joué un rôle-clé pour convaincre les États-Unis d'envahir son pays en 2003 en fournissant de fausses informations sur les supposées armes de destruction massive, est décédé mardi à Bagdad.

M. Chalabi est «mort d'une crise cardiaque» à l'âge de 71 ans, a annoncé le premier ministre Haider al-Abadi. «Il a consacré sa vie à s'opposer à la dictature et a joué un rôle crucial pour établir la démocratie en Irak», a-t-il ajouté.

D'importants responsables politiques irakiens se sont rendus à son domicile de Bagdad, où il est décédé, pour lui rendre hommage.

Personnage controversé, Chalabi avait occupé une place de premier plan avant et pendant la guerre déclenchée en 2003 par le président américain George W. Bush pour renverser Saddam Hussein.

Mais ce chiite laïque a ensuite rapidement perdu de son influence dans la construction chaotique du nouvel Irak, même s'il y a occupé des postes politiques importants.

«Il n'a plus jamais pesé fortement sur la politique (...) après 2003. Cela a été son apogée», résume Kirk Sowell, l'éditeur de la lettre d'information Inside Iraqi Politics.

Né en 1944 dans une famille aisée de Bagdad, Ahmed Chalabi fuit avec sa famille la révolution de 1958 qui renverse la monarchie et dépose le roi Fayçal II.

Dès lors, ce professeur de mathématiques, diplômé de l'Université de Chicago et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), vivra plus aux États-Unis et à Londres qu'en Irak.

En 1992, il fédère en exil plusieurs mouvements des différentes communautés irakiennes, principalement arabes chiites et sunnites, ainsi que des Kurdes, au sein du Congrès national irakien (CNI).

D'allié à paria

Un an plus tard, il s'installe au Kurdistan irakien, qui jouit alors d'une autonomie de fait et, soutenu par les services secrets américains, y organise deux ans plus tard une offensive contre Saddam Hussein. L'opération est un échec et la CIA le lâche. Il retourne aux États-Unis.

Malgré un lourd passé judiciaire avec des condamnations pour corruption et détournement de fonds, notamment en Jordanie, M. Chalabi parvient à tisser des relations rapprochées avec les faucons du Pentagone et le vice-président Dick Cheney.

Ces derniers voient en lui l'une des principales figures de l'opposition en exil. Il leur fournit alors de nombreuses informations, en particulier sur la possession de supposées armes de destruction massive par le régime, qui serviront à justifier l'entrée en guerre.

Plusieurs personnalités de l'administration du président George W. Bush espèrent alors que M. Chalabi et le CNI prennent le pouvoir en tant que gouvernement transitoire après la chute de Saddam Hussein.

Mais son parti, resté trop longtemps à l'étranger, souffre d'une mauvaise image et Chalabi devient un paria, visé dès 2004 par un mandat d'arrêt pour fraude, et accusé de fournir des informations à l'Iran.

À Bagdad, Chalabi a notamment occupé les postes de vice-premier ministre entre avril 2005 et mai 2006, et géré le portefeuille stratégique du Pétrole. Il est ensuite devenu un membre du Parlement, où il a occupé la présidence de la commission des Finances jusqu'à son décès.

Après l'invasion américaine, M. Chalabi avait été l'un des principaux partisans de la «débaassification» (du terme Baas, le parti au pouvoir avant l'invasion américaine) qui avait exclu des dizaines de milliers de fonctionnaires et des membres des forces de sécurité au motif qu'ils avaient soutenu le régime. Beaucoup avaient ensuite rejoint la rébellion.

Les politiques successives ont peu à peu déçu la communauté sunnite et contribué à jeter les bases du groupe djihadiste État islamique (EI), qui a conquis en 2014 d'importants pans du territoire irakien.