Le blogueur saoudien Raif Badawi, lauréat du Prix Sakharov pour la liberté d'expression, purge une peine de dix ans de prison dans son pays où il est condamné aussi à la flagellation pour insulte à l'islam.

Animateur du site internet Liberal Saudi Network, Raef Badaoui a été choisi jeudi par les chefs de file des groupes politiques du Parlement européen comme lauréat 2015 de cette prestigieuse récompense, parfois considérée comme l'équivalent européen du Prix Nobel de la Paix.

Sa condamnation à 1000 coups de fouet avait été qualifiée de punition «médiévale» par la ministre suédoise des Affaires étrangères Margot Wallstromm. Le Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, le prince Zeid Ra'ed Al Hussein y a vu une sentence «cruelle et inhumaine».

Raif Badawi a reçu ses premiers 50 coups de fouet en public en janvier dernier. Les séances de flagellation ont été ensuite suspendues face au tollé international, mais son épouse Ensaf Haidar, qui vit à Sherbrooke, a indiqué mardi qu'elles pourraient reprendre prochainement.

Né le 13 janvier 1984, Raif Badawi est père de deux fillettes et d'un garçon. «Raif est très respectueux. Un père très tendre et un homme formidable», disait de lui son épouse dans une interview à l'AFP depuis l'Estrie où elle s'est réfugiée avec ses enfants.

Raif Badawi a fait des études d'économie et dirigé un institut d'apprentissage de la langue anglaise et des techniques de communication, selon son épouse. Il aime lire et s'est fait connaître par ses écrits en faveur de la liberté d'expression.

«Il voulait le dialogue entre les gens. Il voulait la liberté d'expression et les droits pour les femmes et tous les êtres humains et c'est ce qui l'a toujours motivé» et c'est ce qui explique qu'il ait fondé son site internet, expliquait Ensaf Haidar.

«Jour du libéralisme»

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a décrit le site internet cofondé par Raif Badawi comme un «forum de discussion destiné à encourager des débats d'ordre politique, religieux et social en Arabie saoudite», et l'a choisi l'année dernière parmi ses trois lauréats de son prix pour la liberté de la presse.

Raif Badawi avait été arrêté en juin 2012 sur la base d'une loi sur la cybercriminalité, et un juge a ordonné la fermeture de son site après des critiques contre la redoutable police religieuse en Arabie saoudite.

Comme la majorité des Saoudiens, Raif Badawi est de confession sunnite, mais son site a appelé à une «journée du libéralisme» et à la fin de l'influence de la religion sur la vie publique dans le royaume ultraconservateur qu'est l'Arabie saoudite.

En 2013, un tribunal de Jeddah, ville portuaire de l'ouest de l'Arabie saoudite, l'a condamné à 600 coups de fouet et à sept ans de prison pour «insulte» à l'islam et l'ouverture de son site internet.

Ce jugement a été cassé en appel et l'affaire a été jugée de nouveau avec un verdict alourdissant la sentence à 10 ans de prison et à 1000 coups de fouet. La Cour suprême a confirmé le jugement en juin, selon Ensaf Haidar.

En recevant ses 50 premiers coups de fouet sur une place de Jeddah, Raif Badawi n'a manifesté aucun signe de douleur, selon des témoins.

«Raif Badawi est un prisonnier de conscience dont le seul crime a été de fonder un site consacré au débat public», avait estimé Philip Luther, directeur d'Amnistie internationale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

«J'endure toute cette souffrance cruelle pour avoir exprimé mes opinions», a-t-il écrit dans une lettre envoyée de sa prison et citée en mars par le magazine allemand Der Spiegel.