L'armée afghane, épaulée par un soutien aérien américain, a lancé mardi une contre-offensive pour reprendre Kunduz, carrefour stratégique du nord aux rebelles talibans qui s'en sont emparés la veille, une première depuis la chute de leur régime en 2001.

L'opération, menée par «des renforts» venus de plusieurs provinces, a déjà permis de reprendre le quartier général de la police de la province et la prison, vidée lundi de ses centaines de détenus par les insurgés, a assuré le ministère afghan de la Défense dans un communiqué.

«La bataille est en cours. Les forces afghanes font face à la résistance des talibans, mais réussissent à progresser», a ajouté Sayed Sarwar Hussaini, porte-parole de la police de la province de Kunduz.

Sur le terrain, l'armée afghane ne peut plus guère compter sur l'appui des forces étrangères de l'OTAN dont les 13 000 soldats encore déployés dans le pays se limitent à conseiller et former leurs homologues afghans.

En revanche, l'armée américaine, qui procède régulièrement à des frappes contre les insurgés dans l'Est afghan, a fourni un soutien aérien aux troupes gouvernementales en réalisant une frappe aérienne à Kunduz, destinée à «éliminer une menace» non précisée, selon le colonel Brian Tribus, un porte-parole de la mission de l'OTAN dans le pays.

Cette aide venue du ciel vise à soutenir des troupes afghanes vite débordées face aux insurgés islamistes qui n'ont eu besoin que de quelques heures pour s'emparer de Kunduz et libérer de la prison municipale «des centaines de détenus», dont certains de leurs frères d'armes, comme l'a amèrement regretté Sayed Sarwar Hussaini.

Les insurgés islamistes sont coutumiers du fait. Il y a deux semaines, ils avaient libéré des centaines de leurs frères d'armes d'une prison du centre de l'Afghanistan.

L'ennemi est dans la ville

Sur place, les talibans ont incité les habitants de Kunduz à reprendre une «vie normale», signe de leur volonté de gagner les coeurs de la population civile, tout en continuant à attaquer les forces gouvernementales.

La prise de cette ville, l'une des plus grandes du pays avec ses 300 000 habitants, dont des centaines ont fui face à l'avancée des talibans, a un impact d'autant plus grand qu'elle est intervenue lundi tout juste un an après l'avènement du gouvernement d'union nationale du président Ashraf Ghani. Proche des Occidentaux, M. Ghani avait été élu sur la promesse de ramener la paix dans son pays déchiré par plus de 30 ans de conflit, dont 14 ans avec les talibans.

Dès lundi soir, le chef des talibans, le mollah Akhtar Mansour, nommé cet été après l'annonce à rebours de la mort du mollah Omar, a salué une «grande victoire» pour ses combattants.

Mais les talibans ont déjà déplacé la bataille sur le terrain symbolique. Leur porte-parole Zabihullah Mudjahid a publié sur Twitter une photo montrant des combattants hissant le drapeau blanc du mouvement à un rond-point du centre-ville.

«C'est le chaos. Je ne peux pas vous parler, j'embarque à bord d'un hélicoptère pour partir», a lancé à l'AFP Safiullah, un élu local.

Un responsable du ministère de l'Intérieur a évoqué un bilan de deux policiers, quatre civils et 25 talibans tués dans les combats et l'ONG Médecins sans Frontières, qui dispose d'un centre de soins à Kunduz, a dit traiter «des dizaines de personnes blessées».

«Une vie normale»

La prise de Kunduz est également une victoire personnelle pour le mollah Mansour, qui peut ainsi affirmer son autorité mise à mal par des divisions internes, nourries notamment par la famille du mollah Omar, qui a contesté sa désignation cet été.

«Nous ne pourrons peut-être pas tenir la ville sur le long terme, mais (cette opération) est une réponse à l'assertion du gouvernement afghan que nous sommes uniquement en position de force dans la zone frontalière du Pakistan», à l'est de l'Afghanistan, a reconnu devant l'AFP un commandant taliban installé à Peshawar, au Pakistan.

Kunduz est un noeud commercial stratégique situé à moins de 100 km de la frontière avec le Tadjikistan, que les talibans ont déjà par deux fois essayé de prendre cette année.

Depuis la chute de leur régime, les talibans n'ont cessé de mener une guérilla, surtout rurale, contre les troupes gouvernementales et étrangères de l'OTAN.

Quant aux premiers pourparlers de paix directs entamés par les rebelles avec Kaboul en juillet, ils ont été reportés sine die après l'annonce de la mort du mollah Omar, qui serait décédé début 2013.

L'armée et la police afghanes doivent dans le même temps faire face à la menace grandissante du groupe armé État islamique (EI).

Dimanche, des militants se réclamant de l'EI ont lancé une de leurs premières grandes offensives contre la police afghane dans la province de Nangarhar, tuant au moins deux policiers. Jusqu'ici, l'EI s'attachait à combattre les talibans, mais cette attaque marque une étape de plus dans ses efforts pour s'implanter en Afghanistan.