Les autorités saoudiennes ont promis une enquête «rapide et transparente» après la bousculade qui a fait plus de 700 morts jeudi à Mina près de La Mecque lors d'un rituel du hajj, le grand pèlerinage dans le premier lieu saint de l'islam.

Il s'agit de la tragédie la plus meurtrière à endeuiller le hajj depuis 25 ans en Arabie saoudite où deux millions de pèlerins sont rassemblés cette année.

La bousculade, qui a coïncidé avec l'Aïd al-Adha, la fête musulmane du sacrifice, s'est produite lors du rituel de la lapidation de Satan qui consiste, pour les pèlerins, à jeter des cailloux vers trois stèles le représentant. Un choc entre une marée humaine quittant l'une des stèles et une foule venant en sens inverse a provoqué le drame, selon un responsable du ministère de la Santé.

Le roi Salmane, qui a reçu en soirée les responsables du hajj, a dit attendre «au plus tôt» les résultats de l'enquête, ajoutant avoir ordonné «une révision des plans» d'organisation du pèlerinage pour que les fidèles «accomplissent leurs rituels en toute sécurité».

Alors que la majorité des pèlerins sont des étrangers, l'Iran chiite, grand rival de l'Arabie saoudite sunnite, a dénoncé des failles dans la sécurité. Faisant état d'un bilan de 90 morts parmi ses ressortissants, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a imputé aux autorités saoudiennes la responsabilité de la bousculade, dénonçant une «mauvaise gestion» de Riyad.

Le ministre saoudien de la Santé Khaled al-Faleh a promis une enquête «rapide et transparente» sur l'accident qu'il a attribué à un manque de discipline des pèlerins.

Plus prudent, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, le général Mansour Turki, a ensuite recommandé de «ne pas devancer les conclusions de l'enquête», indiquant que «la grande chaleur et l'état de fatigue des pèlerins ont contribué au nombre important des victimes». Il a indiqué par ailleurs que l'identification des morts et des blessés avait commencé et que les nationalités des victimes seraient annoncées ultérieurement.

Pèlerins «déshydratés»

À l'étranger, la Maison-Blanche, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, l'Allemagne, la France, le président du Conseil européen Donald Tusk et la Turquie ont fait part de leur tristesse et présenté leurs condoléances.

Le pape François a exprimé sa solidarité avec les musulmans, au début d'une prière du soir à la cathédrale Saint Patrick à New York, où il venait d'arriver pour la deuxième étape de son voyage aux États-Unis.

Selon le dernier bilan fourni par la défense civile, 717 personnes ont péri et 863 ont été blessées dans la bousculade.

Le grand mufti de Turquie, Mehmet Görmez, a indiqué que 18 pèlerins turcs étaient portés disparus. L'Algérie a fait état de trois morts parmi ses ressortissants. Oman a fait état d'un disparu.

Quatre hôpitaux ont été réquisitionnés, ainsi que 220 ambulances et des hélicoptères.

PHOTO AFP

Six des équipes de la Défense civile s'emploient sur le terrain à porter les premiers soins aux blessés et à diriger le flot de pèlerins vers des routes alternatives.

Au Mina Emergency Hospital, dans un chaos indescriptible, les pèlerins étaient transportés les uns après les autres sur des brancards, tandis que des agents tentaient d'éloigner les badauds.

Certains pèlerins discutaient de la bousculade qui a donné lieu à des scènes terribles. Des images vidéo ont montré de nombreux corps inertes jonchant le sol ainsi que des affaires personnelles éparpillées, des chaussures et des parapluies, dont les pèlerins se servent pour se protéger du soleil.

Plus tôt dans la journée, des journalistes de l'AFP ont assisté à des scènes de malaise. Une femme, notamment, s'est presque évanouie en montant des escaliers, alors que deux amies lui aspergeaient le visage et appelaient à l'aide.

Selon un pèlerin soudanais à Mina il s'agissait du hajj le moins bien organisé sur les quatre auxquels il a participé. «Les gens étaient déjà déshydratés et s'évanouissaient. Les pèlerins trébuchaient les uns sur les autres».

Second accident en 13 jours 

Des critiques sont lancées régulièrement concernant la sécurité des pèlerins.

Irfan al-Alawi, co-fondateur de l'Islamic Heritage Research Foundation, basée à La Mecque, affirme que le problème réside dans le contrôle des foules.

«Ils ont essayé d'améliorer les installations, mais la priorité pour la santé et la sécurité passe toujours après», sit-il.

L'Arabie saoudite a réalisé ces dernières années d'importants travaux d'infrastructure pour faciliter les mouvements des fidèles.

Et cette année, le royaume a mobilisé 100 000 policiers. Tout au long du hajj, le flot des pèlerins a été canalisé par les cordons des forces de sécurité et de volontaires distribuant eau et nourriture.

Ce drame est le deuxième à endeuiller des pèlerins musulmans cette année, après celui du 11 septembre durant lequel 109 personnes ont péri dans l'effondrement d'une énorme grue sur la Grande Mosquée à La Mecque.

Sur les sept accidents majeurs ayant frappé le hajj depuis 1990, six ont eu lieu lors du rituel de lapidation.

La pire tragédie avait eu lieu en juillet 1990: une gigantesque bousculade s'était produite dans un tunnel de Mina, vraisemblablement à la suite d'une panne du système de ventilation. 1426 pèlerins étaient morts asphyxiés.

La hajj, l'un des cinq piliers de l'islam, a débuté mardi et rassemble cette année environ deux millions de pèlerins selon des statistiques saoudiennes.

PHOTO ASSOCIATED PRESS

Les principaux drames survenus au pèlerinage en Arabie saoudite

La bousculade jeudi près de la Mecque est la catastrophe la plus meurtrière depuis vingt-cinq ans lors du hajj, le grand pèlerinage des musulmans.

En juillet 1990, une gigantesque bousculade dans un tunnel de Mina, près de la Mecque, avait fait 1426 morts.

Voici la liste des principaux drames survenus depuis 1975 dans la ville sainte.

2015

- 24 septembre: 717 personnes sont tuées et 805 blessées dans une bousculade pendant le rituel de la lapidation de stèles à Mina.

Ce dernier rituel du hajj consiste à jeter des cailloux en direction de trois stèles, symbolisant Satan selon la tradition musulmane. Parmi les morts figurent au moins 90 ressortissants iraniens, selon Téhéran.

Déjà, le 11 septembre, 109 personnes avaient été tuées et 400 blessées lorsqu'une énorme grue s'était effondrée sur la Grande mosquée à la Mecque.

2006

- 12 janvier: 364 pèlerins sont tués lors d'une bousculade pendant le rituel de la lapidation des stèles de Satan à Mina.

2004

- 1er février: 251 personnes sont tuées dans une bousculade à Mina, au premier jour de la lapidation des stèles.

1998

- 9 avril: Plus de 118 pèlerins sont tués et plus de 180 blessés dans une bousculade à Mina lors du rite de la lapidation des stèles.

1997

- 15 avril: Un incendie provoqué par un réchaud à gaz ravage des campements de toile de pèlerins dans la vallée de Mina, faisant 343 morts et plus de 1500 blessés.

1994

- 24 mai: 270 pèlerins meurent dans une bousculade pendant le rituel de la lapidation de Satan à Mina, en raison d'un «afflux record» de pèlerins selon les autorités.

1990

- 2 juillet: Une gigantesque bousculade se produit dans un tunnel de Mina, vraisemblablement à la suite d'une panne du système de ventilation. 1426 pèlerins, asiatiques pour la plupart, meurent asphyxiés.

1989

- 10 juillet: Un double attentat aux abords immédiats de la Grande Mosquée de La Mecque fait un mort et 16 blessés. Seize chiites koweïtiens accusés d'être les auteurs de l'attentat sont exécutés le 21 septembre.

1987

- 31 juillet: Les forces de l'ordre saoudiennes répriment une manifestation interdite de pèlerins iraniens (402 morts, dont 275 Iraniens, selon un bilan officiel saoudien).

1979

- 20 novembre: Plusieurs centaines d'hommes armés hostiles au régime saoudien se barricadent pendant deux semaines dans la Grande Mosquée de La Mecque et prennent des dizaines de pèlerins en otages.

L'assaut est donné le 4 décembre. Bilan officiel: 153 tués, 560 blessés.

1975

- Décembre: Un gigantesque incendie dans un campement de pèlerins près de La Mecque fait 200 morts. Le feu s'est déclaré à la suite de l'explosion d'une bouteille de gaz et s'est rapidement propagé dans les tentes.