L'ONU a décrété mercredi son niveau d'urgence humanitaire le plus élevé pour le Yémen, où au moins 31 personnes ont été tuées et une centaine blessées dans un bombardement mené par les rebelles chiites à Aden, la deuxième ville du pays.

À la faveur des affrontements sur le terrain entre rebelles chiites Houthis et forces pro-gouvernementales, des centaines de détenus, dont des condamnés à mort, ont par ailleurs pu s'échapper mardi de la prison de Taëz (sud-ouest), selon des responsables loyalistes.

À New York, un porte-parole adjoint des Nations unies a indiqué que les responsables humanitaires de l'ONU avaient décidé de placer le Yémen au «niveau trois (d'urgence humanitaire) pour une période de six mois».

Ce pays de la péninsule arabique ravagé par une guerre civile rejoint ainsi l'Irak, le Soudan du Sud et la Syrie au niveau maximal d'alerte humanitaire.

Les combats au Yémen avaient déjà fait à la fin du mois de juin 2800 morts, dont 1400 civils et 13 000 blessés depuis mars, selon l'ONU.

À Aden (sud), théâtre de combats incessants depuis plus de trois mois, les Houthis ont tiré à l'aube une quinzaine de roquettes Katioucha sur le quartier résidentiel de Mansoura, a indiqué à l'AFP un porte-parole des forces pro-gouvernementales, Ali al-Ahmadi.

Les premières roquettes se sont abattues sur une rue animée peu avant le début quotidien du jeûne musulman du ramadan, a-t-il dit.

Les rebelles ont ensuite bombardé par intermittence le même quartier, touchant notamment des personnes qui enterraient les victimes des premiers tirs, selon ce porte-parole et des témoins.

Le responsable du secteur de la santé à Aden a fait état d'au moins 31 morts et 103 blessés.

Dans la nuit, des positions rebelles à Dar Saad et Khor Maksar, deux autres quartiers d'Aden, ont été visées par une série de raids aériens lancés par la coalition arabe, sous commandement saoudien, qui intervenait en soutien aux forces pro-gouvernementales, selon des habitants.

À Aden, la population manque de vivres et des maladies, comme le paludisme, la typhoïde et la dengue, apparues avec la détérioration des conditions d'hygiène, ne peuvent être soignées, faute de médicaments.

Selon l'ONU, qui a réclamé en vain à de nombreuses reprises une trêve humanitaire, plus de 21,1 millions de Yéménites ont désormais besoin d'assistance humanitaire --soit 80% de la population--, 13 millions d'entre eux souffrent de pénurie alimentaire et 9,4 millions ont un accès réduit à l'eau.

Un soldat saoudien tué

Dans la province voisine de Lahj, 13 rebelles ont été tués lorsqu'un raid de la coalition a touché un bâtiment tenu par des Houthis et leurs alliés, des militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, a indiqué à l'AFP un responsable local.

À Taëz, 21 rebelles et 9 combattants pro-gouvernementaux ont péri en 24 heures dans des combats, selon des sources locales et médicales.

Dans cette ville, des partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi, en exil en Arabie saoudite, poursuivaient mercredi leur traque de quelque 1.200 détenus, libérés selon eux la veille par des rebelles au moment où ces derniers perdaient le contrôle de la prison centrale au profit des forces pro-gouvernementales.

Les rebelles ont ouvert les portes de la prison face à la progression des combattants loyalistes qui ont repris le site, a affirmé un responsable pro-gouvernemental.

«Cinq à huit membres d'Al-Qaïda figurent parmi les prisonniers» qui se sont enfuis, a déclaré mercredi à l'AFP une source militaire.

Les rebelles chiites Houthis, soutenus par l'Iran, se sont emparés depuis juillet 2014 de vastes régions du Yémen. Le 26 mars, l'Arabie saoudite a pris la tête d'une coalition arabe pour empêcher ces insurgés de prendre le contrôle de tout le pays, voisin du riche royaume pétrolier.

Un soldat saoudien, blessé par des tirs venus du Yémen, a succombé mardi, ce qui porte à au moins 46 le nombre des militaires et des civils tués depuis fin mars par des tirs à la frontière, selon la coalition.

L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a repris ses contacts diplomatiques après l'échec des récents pourparlers à Genève, a été accueilli par une dizaine de protestataires originaires d'Aden à son arrivée à une réunion avec le gouvernement yéménite en exil à Riyad.

L'une d'elles, Faiza Abduragib, a interpellé le diplomate onusien en accusant l'ONU de «n'avoir rien fait» pour protéger les civils.

Selon un responsable du gouvernement en exil interrogé par l'AFP, Cheikh Ahmed a eu un entretien avec le président Hadi mardi dans la capitale saoudienne.

L'envoyé spécial des Nations unies s'est montré confiant quant à l'établissement d'une trêve humanitaire au cours des deux semaines restantes du ramadan, ce qui permettrait d'acheminer de l'aide à la population.

«Nous restons optimistes quant à nos chances de l'obtenir», a-t-il déclaré à l'AFP. «Nous en discutons avec toutes les parties prenantes».

Le médiateur prévoit de se rendre dans la capitale yéménite Sanaa, contrôlée par les rebelles, pour mener des discussions avec les Houthis et des membres du parti de l'ancien président Ali Abdallah Saleh.