La France doit s'attendre à l'opposition farouche d'Israël pour son projet de relancer l'effort international de paix moribond entre Israéliens et Palestiniens, a prévenu en termes vigoureux le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou dimanche.

M. Nétanyahou n'a même pas attendu de rencontrer le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius dans l'après-midi à Jérusalem pour dire - ou redire - le fond de sa pensée et assimiler en langage peu diplomatique des projets comme celui de la France à des «diktats».«Le seul moyen de parvenir à un accord, c'est à travers des négociations bilatérales et nous rejetterons avec force toute tentative qui viserait à nous imposer des diktats internationaux», a dit M. Nétanyahou.

«Il n'est pas question d'imposer je ne sais quelle solution que personne n'accepterait», a répondu le ministre français lors d'une conférence de presse avec son homologue palestinien Ryad al-Malki, plaidant pour deux principes intangibles: «la sécurité d'Israël» et «le droit des Palestiniens d'avoir un État».

Un peu plus tard, et une fois arrivé à Jérusalem, aux côtés de M. Nétanyahou, M. Fabius, affirmant vouloir clarifier des «erreurs d'interprétations», a expliqué plaider pour «un accompagnement international» tout en laissant les négociations «à la fois à Israël et aux Palestiniens». Il a toutefois mis en garde les deux parties: «si on n'arrive pas à résoudre la question israélo-palestinienne, on risque d'avoir des explosions de violence».

«Frontières indéfendables»

Au cours des derniers jours, la persistance des tensions entre Israéliens et Palestiniens a été matérialisée par l'assassinat d'un jeune randonneur israélien vendredi en Cisjordanie et une attaque au couteau d'un Palestinien contre un soldat israélien grièvement blessé aux portes de la Vieille ville de Jérusalem.

La diplomatie française affirme l'urgence d'une reprise des discussions de paix, soldées par un nouvel échec d'une initiative américaine en avril 2014. Il faut, selon elle, changer de méthode et donner à l'effort un accompagnement des pays arabes concernés, de l'Europe et du Conseil de sécurité.

Cet effort pourrait se concrétiser à l'automne par une résolution du Conseil de sécurité qui énoncerait les «paramètres» de la solution du conflit et comporterait un calendrier de négociations, peut-être de 18 à 24 mois.

Le voyage de M. Fabius en Cisjordanie, en Israël et auparavant en Jordanie et en Egypte visait à sonder les intentions des uns et des autres.

Le gouvernement israélien ne veut pas entendre parler d'une immixtion de la communauté internationale qui exonère, selon lui, les Palestiniens des concessions nécessaires.

Les propositions internationales, «qu'on essaie en fait de nous imposer», ignorent la sécurité et les intérêts nationaux d'Israël, a dit M. Nétanyahou.

«Ils essaient juste de nous pousser à accepter des frontières indéfendables en ignorant totalement ce qui se passera de l'autre côté de la frontière», a-t-il ajouté.

Guère d'illusion

Les Français ne se font guère d'illusion.

Au côté de M. Fabius, le ministre palestinien des Affaires étrangères a salué les efforts de la France. Mais il s'est interrogé sur la possibilité de relancer les discussions alors qu'Israël a élu «un gouvernement encore plus extrémiste que le précédent qui avait fait capoter tous les efforts et les négociations».

Devant autant de réticences, M. Fabius a clairement évoqué par le passé l'idée «d'imposer» la paix aux deux parties. En cas d'échec dans les prochains mois, Paris se réserve une option lourde de conséquences, la reconnaissance unilatérale de l'État de Palestine, consciente de la signification qu'aurait une telle décision de la part d'une grande puissance.

Mais, à l'heure de rentrer à Paris avant de rendre compte de ses discussions dans les prochains jours à ses collègues américain et européens, M. Fabius se voulait pragmatique et aussi raisonnablement positif que possible.

«Nous n'avons pas vocation à être des Don Quichotte», a-t-il répété devant la presse. Mais, au-delà des divergences et surtout de la méfiance entre Israéliens et Palestiniens, «ce que j'ai entendu de la bouche de l'un et de l'autre, c'est qu'il n'y avait pas d'obstacle à ce que les négociations puissent reprendre, c'est un élément très important».

«Bien sûr, le soutien a été plus net à nos propositions de la part du président (palestinien) Abbas et nos amis arabes» que de la part de M. Nétanyahou, a dit M. Fabius.

Mais M. Fabius a rapporté avoir entendu «de la bouche du premier ministre Nétanyahou le fait que, évidemment, les Palestiniens devaient avoir droit à un État», alors que M. Nétanyahou avait plus que fait douter la communauté internationale sur le sujet lors de la récente campagne électorale.