Des barricades sont montées à la hâte pour protéger la mosquée dans la ville saoudienne de Dammam, où les chiites craignent un nouvel attentat du groupe sunnite État islamique (EI) après deux attaques ayant ensanglanté la prière hebdomadaire du vendredi.

À l'aide de grues, des volontaires s'activent à placer les barricades en béton autour de la mosquée Al-Anoud dans cette ville de l'est du royaume, à l'entrée de laquelle un kamikaze de l'EI déguisé en femme s'est fait exploser le 29 mai faisant quatre morts.

En revendiquant cette attaque et une autre particulièrement sanglante le 22 mai (21 morts), ses deux premiers attentats en Arabie saoudite, l'EI avait menacé de «chasser» les chiites qu'il considère comme des hérétiques, de la péninsule arabique.

Les barricades sont destinées à protéger une place devant la mosquée Al-Anoud à Dammam, dans la Province orientale où se concentre la communauté chiite, minoritaire dans le royaume à majorité sunnite.

Des milliers de personnes ont participé à Saihat, une banlieue proche de Dammam, aux funérailles collectives des quatre «héros», dont deux frères, tués en tentant d'empêcher le kamikaze d'atteindre la mosquée.

«Peur»

«Nous avons peur que quelque chose se produise alors nous nous organisons en conséquence», a déclaré l'un des volontaires, Ibrahim Abou Ahmed, près de la mosquée à Dammam, où cohabitent chiites et sunnites.

Des traces noires étaient encore visibles sur une partie du parking devant la mosquée, où le kamikaze a détoné sa ceinture d'explosifs, projetant, selon M. Abou Ahmed, les restes d'une des victimes 100 mètres plus loin.

Selon des habitants, trois des victimes étaient des volontaires mobilisés pour protéger la mosquée et la quatrième un civil.

«Ce sont des héros», a déclaré un étudiant de 21 ans en procédant à une fouille systématique des fidèles arrivant pour la prière de midi.

«C'est une mosquée et nous devons le protéger», a lancé l'étudiant qui a requis l'anonymat. «Maintenant, nous, les chiites, sommes unis pour nous défendre contre le terrorisme».

«Nous nous attendons à ce qu'il y ait d'autres attaques», renchérit Radi Turaiki, un enseignant de 45 ans venu assister aux funérailles, comme des milliers de compatriotes. «Dans chaque mosquée, des personnes se chargent de la protection».

«Mais je pense que les gens n'ont pas peur», et les fidèles continuent de fréquenter les lieux de culte.

Le pouvoir ne fait pas assez 

M. Turaiki a estimé que le gouvernement ne faisait pas assez pour prévenir les attentats. «Ils n'ont entrepris aucune action après ce qu'il s'est passé (...). Le gouvernement est censé nous protéger».

Des voitures de police patrouillaient mercredi le secteur, mais ce sont des volontaires qui ont assuré aussi les fouilles sur quatre points menant au lieu des funérailles.

«Nous sommes menacés, très sérieusement menacés», a estimé Hussein al-Nemr, un organisateur de la cérémonie.

Mercredi, le ministère de l'Intérieur a annoncé rechercher 16 personnes pour leur présumée implication dans les attentats et proposé des primes pour ceux qui aideraient à leur arrestation.

Pour tenter d'apaiser la communauté chiite qui se plaint de discriminations depuis des années, les autorités ont avalisé, selon les organisateurs des funérailles, la création du premier cimetière chiite de Dammam.

La minorité chiite se concentre dans la province Orientale, riche en pétrole, qui avait été secouée par un mouvement de contestation, dans le sillage du Printemps arabe en 2011, ayant fait une vingtaine de morts.

Les autorités saoudiennes, qui ont multiplié ces derniers mois les arrestations d'extrémistes sunnites soupçonnés de planifier des attaques, ont dénoncé les attentats antichiites comme contraires à l'islam.

Connu pour sa brutalité, l'EI qui a proclamé un «califat» sur les régions qu'il contrôle à cheval entre l'Irak et la Syrie, est redouté en Arabie saoudite qui craint que ses attentats n'attisent les tensions confessionnelles.