Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a obtenu jeudi par la plus étroite des marges la confiance du Parlement à son quatrième gouvernement, l'un des plus à droite de l'histoire du pays.

«Voici les résultats: pour, 61 voix; contre, 59 voix. Je déclare que le gouvernement a obtenu la confiance de la Knesset. Félicitations», a déclaré le président du Parlement Youli Edelstein après une cérémonie tendue commencée par l'expulsion de trois députés arabes israéliens.

Ces derniers s'en étaient pris verbalement au premier ministre tandis que d'autres députés de l'opposition éclataient de rire en entendant M. Nétanyahou dire à l'ouverture de la séance: «Nous préserverons notre sécurité et ferons tout notre possible pour la paix».

La communauté internationale va désormais avoir affaire à un gouvernement qui fait la part belle aux nationalistes, aux ultra-orthodoxes, aux partisans de la colonisation et aux adversaires de la création d'un État palestinien indépendant, dans un contexte de vives tensions régionales et de conflit persistant avec les Palestiniens.

C'est aussi un gouvernement reposant sur une majorité minimale de 61 sièges sur 120 qui l'expose à la moindre absence dans son camp, voire au moindre mouvement d'humeur d'un député frustré. Au-delà des convictions des ministres, cette précarité aussi alarme les diplomates étrangers, inquiets que M. Nétanyahou ne soit à la merci des plus radicaux de ses alliés.

L'un des hommes forts de la coalition gouvernementale, le chef du parti nationaliste religieux Naftali Bennett, est l'ardent défenseur des intérêts des colons. Il rejette la création d'un État palestinien et préconise à la place l'annexion par Israël de 60% de la Cisjordanie déjà sous son contrôle total, et un statut d'autonomie limitée dans le reste du territoire. Selon lui, le conflit avec les Palestiniens est insoluble et il faut s'en accommoder comme «un éclat d'obus dans les fesses».

Surenchère  

M. Nétanyahou, soucieux de rallier les électeurs de droite, a lui-même enterré l'idée d'un État palestinien pendant sa campagne s'il conservait son poste. Il a ensuite assuré rester favorable à la solution de deux États israélien et palestinien coexistant côte à côte, mais en ajoutant que les conditions actuelles ne s'y prêtaient pas.

L'investiture de ce gouvernement parachève des semaines d'âpres tractations, de marchandages, de surenchères et de cris de trahison et d'extorsion.

Quelques heures seulement avant le vote, M. Nétanyahou n'avait toujours pas finalisé son gouvernement et se débattait encore avec les exigences des membres de son propre parti, le Likoud, sur la distribution des portefeuilles.

Sorti triomphant des élections législatives du 17 mars, M. Nétanyahou s'est retrouvé, après le lâchage de son ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, en butte à la surenchère des partis censés participer à sa majorité. Il est aussi devenu l'otage des exigences au sein du Likoud.

M. Nétanyahou, limité par la loi dans le nombre de portefeuilles qu'il pouvait décerner, a fait adopter mercredi in extremis un nouveau texte lui permettant de nommer davantage de ministres pour contenter le plus de monde possible.

Mais, jeudi soir, il lui a fallu se démener jusqu'au bout pour apaiser deux caciques du Likoud, Gilad Erdan et Sylvan Shalom. Ce dernier est devenu ministre de l'Intérieur. Gilad Erdan, numéro deux du Likoud, n'apparaît pas dans le gouvernement.

Moshé Yaalon conserve son poste capital à la Défense. Youval Steinitz, ancien ministre des Renseignements, devient ministre de l'Energie mais conserve le très sensible dossier du nucléaire iranien.

Possible retour devant l'ONU 

M. Nétanyahou se réserve le portefeuille des Affaires étrangères. Avec une majorité aussi ténue, il a de nouveau laissé entendre qu'il chercherait à étendre sa coalition.

Le chef de l'opposition, le travailliste Isaac Herzog, lui a opposé une nouvelle fin de non-recevoir: «Aucun dirigeant digne de ce nom ne rejoindrait le cirque que vous avez réussi à monter à la dernière minute».

Ce gouvernement est confronté à des défis majeurs: menaces à ses frontières, offensive diplomatique et judiciaire des Palestiniens, liens détériorés avec les États-Unis, possibilité d'un accord nucléaire international avec l'Iran, grand ennemi d'Israël, sans parler des disparités sociales et du coût de la vie.

Les relations avec le grand allié américain traversent l'une de leurs crises les plus graves. Les États-Unis ont clairement signalé qu'ils attendaient M. Nétanyahou et son cabinet au tournant.

Et le président américain Barack Obama a réaffirmé jeudi son attachement au principe de la création d'un État palestinien indépendant. «Je continue à croire qu'une solution à deux États est absolument cruciale (...) pour la sécurité d'Israël sur le long terme», a-t-il déclaré à la résidence présidentielle américaine de Camp David.

«Je sais qu'un gouvernement a été formé et qu'il compte certaines personnes qui ne croient pas nécessairement à ce postulat», a dit M. Obama en référence au nouveau gouvernement israélien. «Mais cela continue d'être mon postulat».

Pour Américains et Européens, la colonisation israélienne dans les territoires occupés est un obstacle majeur à la paix. En revanche, la création d'un État palestinien est centrale dans les grands projets internationaux de règlement du conflit.

La France pourrait, après le 30 juin, reprendre les efforts pour faire adopter par le Conseil de sécurité de l'ONU une résolution sur ce conflit vieux de plusieurs décennies, résolution dont Israël ne veut pas entendre parler.