Le roi Salmane a nommé un neveu prince héritier et propulsé l'un de ses fils second dans l'ordre de succession, dans le cadre d'un vaste remaniement surprise trois mois après son accession au trône d'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole.

La percée de la deuxième génération de la dynastie des Al-Saoud confirme un net rajeunissement à la tête du royaume, selon des analystes.

Le remaniement est aussi marqué par le départ du prince Saoud Al-Fayçal, l'inamovible ministre des Affaires étrangères depuis 40 ans. Il est remplacé par l'ambassadeur saoudien à Washington Adel al-Jubeir, recruté en dehors de la famille régnante.

Par un décret publié mercredi matin, qui fixe sa succession pour les décennies à venir, le souverain saoudien a écarté l'héritier au trône, son demi-frère le prince Moqren, 69 ans, au profit du ministre de l'Intérieur Mohammed ben Nayef, 55 ans, jusqu'ici second dans l'ordre de succession.

«Nous avons décidé d'accepter sa demande d'être relevé de sa fonction de prince héritier», a indiqué le palais.

C'est la première fois dans l'histoire du royaume qu'un prince héritier est écarté. Pourtant, sa position semblait verrouillée lorsque le 27 mars 2014, le précédent roi Abdallah avait nommé Moqren futur prince héritier, fonction présentée comme irrévocable. «Personne ne peut changer cette décision», affirmait le décret.

Le nouveau prince héritier Mohammed ben Nayef, neveu du roi, a en outre été désigné vice-premier ministre et conservera ses fonctions de ministre de l'Intérieur. Mohammed ben Nayef, formé aux États-Unis, est le champion de la lutte contre Al-Qaïda, qui avait tenté de l'assassiner.

Le prince Moqren, le plus jeune des 35 fils d'Abdel Aziz, fondateur du royaume saoudien, était devenu prince héritier après la mort du roi Abdallah, auquel a succédé le 23 janvier le roi Salmane ben Abdel Aziz, 79 ans.

Une semaine après son intronisation, le nouveau roi avait déjà procédé à un important remaniement gouvernemental, en limogeant notamment deux fils de l'ancien roi Abdallah. Il avait alors désigné Mohammed ben Nayef futur prince héritier, c'est-à-dire deuxième dans l'ordre de succession.

Cette position est désormais occupée par l'un des fils du roi Salmane, le prince Mohammed ben Salmane, âgé d'une trentaine d'années. Le prince conserve ses fonctions de ministre de la Défense et de président du Conseil économique et de développement, un organe de coordination créé par son père.

Sang neuf

Sous la conduite du roi Salmane, l'Arabie saoudite mène une politique étrangère plus visible et plus marquée. Elle a pris le 26 mars la tête d'une coalition arabe qui mène une opération militaire au Yémen pour empêcher une rébellion chiite de prendre le contrôle de l'ensemble du pays, à la frontière sud du royaume.

Cette rébellion est soutenue par l'Iran, rival régional de l'Arabie saoudite.

En tant que ministre de la Défense, le jeune prince Mohammed ben Salmane s'est retrouvé au-devant de la scène depuis le lancement de la campagne aérienne arabe au Yémen.

Le roi a appelé la population saoudienne à «faire allégeance» dès mercredi aux princes Mohammed ben Nayef et Mohammed ben Salmane.

«Le roi Salmane veut rajeunir les structures de l'État en injectant du sang neuf», a indiqué à l'AFP l'analyste saoudien Khaled Batarfi.

La nomination de Mohammed ben Nayef comme héritier du trône devrait aussi aider le nouveau roi à renforcer l'emprise de la branche Soudairi de la famille royale, qui avait perdu en influence sous Abdallah, selon des experts.

Dans le cadre du remaniement, le patron du géant pétrolier saoudien Aramco, Khaled al-Faleh, a été nommé ministre de la Santé. Aucune indication n'a été fournie sur son remplacement à la tête d'Aramco. Le ministre du Pétrole Ali Al-Nouaïmi a été maintenu dans ses fonctions.

Les portefeuilles de l'Économie et du Travail ont changé de titulaires et la fonction de chef du cabinet royal, assumée jusqu'ici par Mohammed ben Salmane, a été confiée à Hamad Al-Souailem, selon d'autres décrets.

L'ambassadeur Adel al-Jubeir remplace à la tête de la diplomatie le prince Saoud Al-Fayçal, en poste depuis 1975, qui est parti à sa demande pour des raisons de santé, selon le palais royal.

Le prince Saoud a été nommé conseiller et envoyé spécial du roi, tout en conservant un rôle de supervision des Affaires étrangères.

PHOTO ARCHIVES AFP

Le prince Mohammed ben Salmane, âgé d'une trentaine d'années.