«Chaque Palestinien a une expérience avec les prisons de l'occupation: soit il y a été, soit un de ses proches y a été enfermé», lance Nojoud Qassem, qui manifeste vendredi en solidarité avec les plus de 6000 Palestiniens détenus par Israël, dont son mari.

Sa fille, âgée de 13 ans, «ne connaît pas son père» condamné à la perpétuité, jure cette quadragénaire, à l'occasion de la Journée du Prisonnier. «Elle ne le voit que deux fois par mois, et ils se parlent dans un téléphone et des deux côtés d'une vitre».

Hadi al-Fakhri, lui aussi, a grandi sans son père, condamné à la perpétuité par un tribunal militaire israélien - les seuls à juger les Palestiniens des Territoires occupés. Ce n'est qu'à 26 ans qu'il a pu enfin le prendre dans ses bras, quand Israël l'a libéré avec plus de 1000 détenus contre un de ses soldats.

«Ça a été dur de grandir sans une figure paternelle. Quand tu es petit, tu veux jouer avec ton père, tu as besoin de son amour, de sa présence, de ses câlins», dit-il à l'AFP. «Moi, je n'ai eu ça qu'au bout de 26 ans, et cela m'a paru bizarre».

Son père est sorti de prison fin 2011, dans le cadre d'un échange accepté par l'État hébreu pour retrouver son soldat Gilad Shalit, enlevé cinq ans plus tôt par le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.

Si Israël a refusé de libérer la quatrième et dernière vague de prisonniers promise dans le cadre de la relance en 2014 des négociations de paix avec les Palestiniens depuis suspendues, et a arrêté de nouveau des dizaines de ceux qu'il avait élargis, l'idée d'un nouvel échange trotte encore dans toutes les têtes.

Jeudi, à la veille de la célébration de la Journée du Prisonnier, un cadre du Hamas a appelé à enlever des Israéliens pour s'en servir de monnaie d'échange, alors qu'Israël détient plus de 6200 Palestiniens - dont une vingtaine de députés.

Nojoud a longtemps espéré un nouvel échange. Mais «Nétanyahou a fermé la porte à la paix» et à ses espoirs, dit-elle en référence au premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

«Crime contre l'humanité»

Car alors que le processus de paix est au point mort et que les dernières élections en Israël ont confirmé au pouvoir M. Nétanyahou, qui a enterré l'idée d'un État palestinien pendant sa campagne électorale, «la voie politique est bouchée», estime Issa Qaraqe, en charge de la question des prisonniers au sein de l'Autorité palestinienne.

Mais cela n'empêche pas les Palestiniens de manifester, de la bande de Gaza à la Cisjordanie occupée pour la Journée du Prisonnier, «une journée nationale pour dire non à l'occupation et soutenir ceux qui s'y sont opposés», explique Qaddoura Fares, qui dirige l'organisation du Club des prisonniers.

«S'il y a des détenus palestiniens dans les prisons d'Israël, c'est parce qu'ils ont résisté à l'occupation, ils sont un symbole de la résistance», ajoute celui qui a lui-même passé de longues années dans une cellule israélienne avant d'être libéré dans la foulée de la signature des accords d'Oslo sur l'autonomie palestinienne en 1993.

Depuis la guerre israélo-arabe de 1967 et l'occupation par Israël des territoires palestiniens, selon les chiffres officiels palestiniens, 800 000 Palestiniens ont été emprisonnés par Israël.

Pour tous ceux-là, assure Majed Bamya, responsable au ministère palestinien des Affaires étrangères, il faudra obtenir justice. «Il y a un nouvel élément», note-t-il. Le 1er avril, les Palestiniens ont adhéré à la Cour pénale internationale (CPI) et réclamé au tribunal de La Haye de poursuivre des dirigeants israéliens pour «crimes de guerre».

Désormais, assure-t-il, «la question des prisonniers est une des priorités». Car «l'emprisonnement en masse peut être considéré comme un crime de guerre, un crime contre l'humanité».