La situation humanitaire critique au Yémen a poussé la Russie à réclamer samedi devant le Conseil de sécurité de l'ONU une pause dans la campagne de frappes aériennes de la coalition arabe qui lutte contre les rebelles chiites houthis.

La campagne militaire menée par l'Arabie saoudite depuis le 26 mars a ralenti l'avancée des Houthis, liés à l'Iran, qui cherchent à s'emparer d'Aden, la grande ville du sud du Yémen, après avoir pris la capitale Sanaa et des régions du nord et du centre du pays. Mais les combats ont déjà fait plus de 500 morts selon l'ONU.

Sur le terrain, les insurgés houthis font face à la résistance des «Comités populaires», une force paramilitaire soutenant le président yéménite Abd Rabbo Hadi Mansour qui, devant la progression rebelle, avait quitté Aden pour se réfugier en Arabie saoudite où il a été rejoint samedi par son premier ministre démissionnaire Khaled Bahah.

Aux Nations unies, la Russie, proche de l'Iran, a déposé samedi devant le Conseil de sécurité un projet de résolution demandant une pause dans les raids aériens le temps de permettre l'évacuation des étrangers, a expliqué à l'AFP un diplomate du Conseil.

Cette initiative russe a reçu un accueil mitigé.

Dina Kawar, ambassadrice de Jordanie qui préside le Conseil, a indiqué que les membres de cette instance avaient besoin de «temps pour réfléchir».

L'ambassadeur d'Arabie saoudite n'a pas dit si son pays accepterait cette pause.

Alarmé par la situation humanitaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé une pause de 24 heures pour apporter un soutien médical à la population civile. Mais à Ryad, le général de brigade Ahmed Assiri a répondu que l'aide humanitaire serait autorisée lorsque les conditions le permettraient. «L'opération humanitaire fait partie de notre travail», a-t-il déclaré. «Nous ne voulons pas ravitailler les milices» ni que l'approvisionnement en aide n'interfère avec les opérations militaires, a-t-il ajouté.

De son côté, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a fait savoir que la priorité du Caire, membre de la coalition arabe, était de sécuriser la navigation sur la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb, qui sépare l'Afrique de la péninsule arabique près de la ville yéménite de Taëz.

Ce détroit est d'une importance stratégique pour l'Égypte, Israël ou encore les États-Unis et la France, du fait de la proximité avec Djibouti.

Parachutages

Les combats à Aden depuis l'entrée des Houthis le 25 mars ont fait «185 morts et 1.282 blessés», dont «75% de civils», a dit à l'AFP le chef du département de la Santé, Al-Khader Lassouar. Mais, selon lui, ce bilan partiel n'inclut pas les victimes rebelles.

Plusieurs sites militaires tenus par les rebelles autour de Sanaa, au nord d'Aden ainsi que la base aérienne d'Al-Anad à Lahj (sud) ont été visés par des raids samedi, selon des témoins.

De leur côté, les insurgés et leurs alliés ont tiré des obus contre al-Moalla, un quartier résidentiel près du port d'Aden, tuant six civils, dont un enfant, et blessant 12 autres personnes, selon des témoins et une source médicale.

M. Lassouar a appelé les organisations internationales et les monarchies arabes du Golfe, qui participent à l'opération «Tempête décisive», à apporter une assistance médicale d'urgence aux hôpitaux d'Aden.

«Les stocks de médicaments se sont épuisés et les hôpitaux ne parviennent plus à faire face au nombre croissant des victimes», a-t-il dit.

L'ONU et les organisations humanitaires s'inquiètent du nombre de victimes civiles dans ce conflit déclenché par une offensive des Houthis contre Sanaa en 2014, officiellement pour exiger la démission du gouvernement accusé de corruption et contester un projet de Constitution qu'ils jugeaient injuste.

Le dernier bilan officiel dressé par l'ONU remonte à jeudi avec 519 morts et 1700 blessés en deux semaines de combats au Yémen.

Évacuations

Selon l'ONG Action contre la Faim, basée à Paris, «des dizaines de milliers de personnes fuient les zones de combat et se trouvent sur les routes ou cherchent refuge dans les villages».

Devant l'insécurité croissante, l'Algérie a évacué samedi soir 160 de ses ressortissants. La Jordanie avait fait de même vendredi, évacuant 48 ressortissants par voie terrestre, au lendemain de l'évacuation de dizaines d'Égyptiens.

Selon le général Assiri, la Russie, l'Inde, l'Indonésie et le Pakistan ont déjà évacué leurs ressortissants tandis que la Chine, Djibouti et le Soudan s'apprêtent à en faire autant dimanche. D'autres pays comme le Canada, l'Allemagne et l'Irak ont fait des demandes similaires.

Les ambassades sont fermées à Sanaa depuis sa prise par les Houthis fin janvier, et les employés étrangers de l'ONU et des entreprises ont été rapatriés.

Autre signe du chaos, un collectif de tribus sunnites a pris dans la nuit de vendredi à samedi le contrôle d'Al-Shihr, la deuxième ville de la province du Hadramout (sud-est), selon des habitants. Des centaines de combattants du collectif ont afflué à Moukalla, chef-lieu du Hadramout, pour reprendre cette ville à Al-Qaïda qui la contrôlait depuis vendredi et qui a libéré 300 détenus, selon des habitants.

Et à Dhaleh, les rebelles ont laissé partir plus de 500 prisonniers, selon une source militaire, qui redoute «une anarchie généralisée» dans le pays.