Le Yémen s'enfonçait dans la guerre samedi, après trois jours d'une intervention dirigée par l'Arabie saoudite contre des rebelles chiites liés à l'Iran, suscitant des craintes d'interférences négatives sur les négociations nucléaires entre Téhéran et les grandes puissances.

Pour la quatrième nuit consécutive, des raids aériens de la coalition arabe ont visé samedi soir les rebelles Houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa et ont resserré l'étau sur Aden, la deuxième ville du pays.

Signe de l'insécurité croissante dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, des centaines d'employés étrangers ont été évacués de Sanaa.

«Plus de 200 employés de l'ONU, d'ambassades et de sociétés étrangères» se sont envolés samedi de l'aéroport de Sanaa, a déclaré à l'AFP une source humanitaire, sans préciser leur nationalité, ni leur destination.

Des dizaines de diplomates, dont des Saoudiens, évacués d'Aden par la marine saoudienne, sont quant à eux arrivés samedi en Arabie saoudite.

Il ne reste plus au Yémen que «du personnel nécessaire aux missions humanitaires d'urgence», selon une autre source.

La campagne aérienne commandée par le royaume sunnite saoudien pour empêcher les Houthis d'instaurer un régime pro-iranien au Yémen, pays avec lequel il partage une longue frontière, reçoit le soutien en logistique et en renseignement des États-Unis.

Moscou s'est inquiété que le conflit au Yémen ne perturbe les négociations sur le programme nucléaire iranien, en plein sprint final pour arracher d'ici mardi un compromis historique entre Téhéran et les grandes puissances, dont les États-Unis.

«Malheureusement, nous constatons que la tragédie qui se déroule dans ce pays a un impact sur l'atmosphère des négociations», a estimé le chef des négociateurs russes dans ces pourparlers, Serguei Riabkov. «Nous espérons que la situation au Yémen n'entraînera pas un changement dans la position de certains participants», a-t-il déclaré, cité par l'agence Ria Novosti.

Combats à Aden 

Le roi saoudien Salmane a affirmé que l'opération aérienne «Tempête décisive» impliquant neuf pays arabes se poursuivrait jusqu'au «rétablissement de la sécurité» au Yémen, plongé dans un chaos total.

Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, présent à ses côtés au sommet des chefs d'État arabes en Égypte, a espéré la poursuite de la campagne arabe jusqu'à la «reddition» des Houthis. Les deux dirigeants sont ensuite partis pour Riyad et M. Hadi ne rentrera pas «pour l'instant» à Aden où il s'était réfugié en février, selon son chef de la diplomatie Riyad Yassine.

«Les Houthis tentent à tout prix de prendre (Aden) pour imposer une réalité sur le terrain avant la fin (dimanche) du sommet» arabe, selon M. Yassine.

La grande ville du sud du pays est sous la coupe de groupes armés après la fuite des forces de sécurité, et les violences y ont fait au moins 75 morts en trois jours, selon un responsable local.

Des combats ont fait rage notamment entre des miliciens Houthis et des comités de défense de quartiers, qui ont notamment conquis l'aéroport international d'Aden. Au moins 14 personnes ont été tuées par de puissantes explosions dans un dépôt d'armes de l'armée pris d'assaut par des pilleurs.

Avec l'aide de l'ex-président Ali Abdallah Saleh qui dispose de puissants relais dans l'armée, les Houthis avaient déferlé de leur fief dans le nord. Ils se sont emparés de vastes territoires depuis septembre 2014 dans le centre et l'ouest du Yémen, dont la capitale Sanaa, avant de progresser ces derniers jours vers Aden.

Dans un discours télévisé samedi soir, M. Saleh a appelé les chefs d'État arabes à faire cesser les opérations militaires et à favoriser «une solution pacifique au conflit, qui ne peut être réglé par les frappes».

Nouvelles frappes 

Samedi soir, des raids arabes ont frappé une base aérienne à Hodeida (ouest) et deux sites militaires à Saada, fief des Houthis dans le nord, selon des témoins.

La veille, les avions de la coalition avaient mené leurs raids les plus intenses depuis le début des frappes, contre des positions rebelles dans et autour de Sanaa, selon des témoins.

La coalition militaire arabe a indiqué avoir «détruit la plupart» des missiles aux mains des Houthis et de leurs alliés.

Des responsables diplomatiques du Golfe ont affirmé que la campagne militaire pourrait durer jusqu'à six mois, ajoutant s'attendre à des représailles iraniennes sous forme d'actes de déstabilisation.

Selon l'un de ces responsables qui ont requis l'anonymat, citant des estimations, «5000 Iraniens, (membres du) Hezbollah (libanais) et miliciens irakiens (pro-Téhéran) sont sur le terrain au Yémen».

L'Iran n'a jamais confirmé aider les rebelles chiites yéménites, mais a dénoncé la campagne aérienne arabe.

Cette dernière devrait fournir un «test» pour la création d'une force arabe permanente à l'étude au sommet arabe.

Plus que le groupe djihadiste État islamique (EI) qui sévit dans plusieurs pays arabes, c'est la crainte de voir l'Iran étendre son influence qui pourrait pousser les pays arabes à entériner la création d'une force militaire conjointe.