Le retrait progressif de la quasi-totalité des troupes occidentales déployées en Afghanistan ne signifie en rien que la paix est de retour dans ce pays déchiré d'Asie centrale.

L'Organisation des Nations unies (ONU) en a donné une criante illustration, hier, en publiant des statistiques qui montrent que le nombre de victimes civiles du conflit qui oppose le gouvernement central aux talibans a bondi de 22% en 2014, par rapport à l'année précédente.

L'organisation internationale a révélé que 10 548 personnes avaient été tuées ou blessées au cours de l'année, soit le nombre le plus important enregistré depuis que ces données ont commencé à être colligées, en 2009.

La hausse est principalement attribuable à une augmentation des affrontements au sol durant lesquels les belligérants utilisent des armes explosives comme des mortiers, des roquettes ou des grenades dans des zones d'habitation, «avec des résultats dramatiques pour les civils».

«Il ne faut pas que le niveau consternant de violence observé en 2014 se répète en 2015», a plaidé hier, dans un communiqué, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afghanistan, Nicholas Haysom.

Aucun apaisement en vue

L'évolution de la situation sur le terrain ne laisse cependant entrevoir aucun apaisement susceptible d'atténuer l'impact meurtrier du conflit. Au contraire, en fait, prévient Vanda Felbab-Brown, analyste spécialisée de la Brookings Institution, à Washington.

Les talibans, dit-elle, ont intérêt pour l'heure à accroître leurs assauts contre les forces de sécurité afghanes «de manière à montrer leur force» alors que le nombre de soldats occidentaux est réduit à 12 500 hommes.

«De plus en plus de civils se retrouvent du même coup pris entre deux feux», précise l'analyste.

Selon le gouvernement, pas moins de 5000 soldats et policiers afghans ont été tués l'année dernière et le nombre est appelé à croître rapidement cette année.

«Il faudra voir combien de temps les forces de sécurité seront capables de remplacer les hommes tombés au combat. Les talibans, qui ont aussi essuyé de lourdes pertes, ont réussi à le faire tout en continuant d'agir comme une force cohérente», relève Mme Felbab-Brown.



Offensive contre les talibans

Anticipant une recrudescence des attaques avec le retour du temps doux, l'armée afghane a entrepris récemment une vaste offensive contre des places fortes des talibans dans le sud du pays.

«Nous avons rassemblé suffisamment de personnel et de soutien aérien. Si Dieu le veut, les terroristes n'auront aucune chance contre nous. Ils seront punis», a déclaré un commandant des troupes afghanes à l'Agence France-Presse.

Les insurgés ont répliqué à l'offensive en lançant mardi une attaque suicide contre un poste de police dans la province de Logar, à une soixantaine de kilomètres au sud de Kaboul.

Quatre hommes armés ont fait irruption dans le centre sous haute protection et ont réussi à se faire exploser, tuant 20 officiers et en blessant 8 autres.

En plus d'affaiblir les forces sécuritaires, les insurgés cherchent à faire des gains sur le terrain pour être en position de force advenant le début de négociations de paix, note Mme Felbab-Brown.

La Chine a proposé récemment d'agir comme médiateur pour favoriser les pourparlers que le nouveau président du pays, Ashraf Ghani, appelle de ses voeux.

«Je ne pense pas qu'il puisse y avoir d'entente à court terme. Il faudra peut-être même des années avant que quelque chose soit négocié», souligne Mme Felbab-Brown.

Présence de l'EI

Le gouvernement afghan doit aussi composer avec des informations faisant état de l'implantation dans le pays du groupe État islamique (EI). Des commandants talibans ont fait acte d'allégeance au mouvement, mais il s'agit surtout pour l'heure, au dire de l'analyste, de commandants «marginalisés», sans réelle importance.

La situation est suivie de près par l'armée américaine, qui multiplie, selon le New York Times, les actions de contreterrorisme dans le pays pour éliminer des militants radicaux. Des frappes menées dans l'est du pays auraient notamment permis de tuer la fin de semaine dernière un ex-commandant taliban relâché de la prison de Guantánamo qui s'était récemment rallié à l'EI.

«Nous avions clairement indiqué que le contreterrorisme demeurait une partie de notre mission en Afghanistan et que nous mènerions ces opérations en collaboration avec les forces locales pour éliminer les menaces contre nos forces, nos partenaires et nos intérêts», a déclaré au journal américain un porte-parole du département de la Défense américain.