Pour tenter de se démarquer dans la campagne électorale en cours en Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou mise sur l'humour. Évidemment, ses publicités grinçantes et son talent d'acteur ne font pas rire tout le monde - en particulier ses adversaires -, mais elles sont vite devenues virales. Quant à savoir si elles feront la différence le 17 mars, jour du scrutin, c'est une autre histoire...

La campagne israélienne ne se fait pas qu'à coups de slogans ou de promesses. Elle se fait aussi à coups de blagues.

À près d'un mois du scrutin en Israël, le combat des clips politiques se déroule sous le signe de l'humour. Si la diffusion des pubs électorales à la télé ne peut commencer que trois semaines avant le scrutin, c'est autre chose pour internet où la campagne vidéo fait rage depuis décembre. Et dans la course au clip viral, le Likoud, le parti du premier ministre Benyamin Nétanyahou, a une longueur d'avance.

Sa publicité de Nétanyahou au milieu d'une garderie fait énormément jaser depuis son lancement en janvier, même si elle a été interdite par la commission électorale israélienne. C'est qu'on ne doit pas voir d'enfants de moins de 15 ans dans les pubs politiques, même si les parents ont donné leur consentement.

Mais nul besoin de creuser très loin sur le web pour trouver cette fameuse pub et le regard grinçant (voire «incroyablement condescendant», selon Slate) que porte le chef du Likoud sur ses adversaires, à gauche comme à droite.

Tzipi Livni, ancienne ministre de la Justice et chef de la coalition Union sioniste (centre gauche) - qui chauffe le Likoud dans les plus récents sondages -, est la petite fille turbulente qui jette ses jouets et ne peut rester en place.

L'ancien ministre des Finances, le centriste Yair Lapid, apparaît sous les traits d'un garçon qui secoue un boulier dans tous les sens. Benyamin Nétanyahou le sermonne: «Yair! Arrête de jouer avec ça, tu vas le briser!» Le conservateur Naftali Bennett, lui, est un petit garçon qui ne pense qu'à jouer avec des chars d'assaut.

Le Likoud, qui dispose d'une mince avance dans les sondages, n'est cependant plus le seul à choisir le comique pour attirer des clics. Plusieurs partis de la myriade de formations politiques qui se battent pour un siège à la Knesset utilisent désormais la même recette.

Les observateurs doutent que la politique humoristique ait un réel impact le jour du vote, malgré sa popularité. «On a vu, lors des dernières élections, que les publicités télévisées suscitent peu d'intérêt du public», nous a écrit Tamar Hermann, du département de sciences politiques de l'Université ouverte d'Israël. Face à l'apathie, «les directeurs de campagne tentent d'attirer l'attention». Mais l'opération «n'aura pas d'impact sur le résultat des élections», croit néanmoins Mme Hermann.

D'autres pubs électorales israéliennes

Likoud

En ouvrant la porte pour accueillir la gardienne, une maman reste bouche bée en voyant sur le seuil nul autre que Benyamin Nétanyahou, surnommé Bibi. « Vous avez demandé une baby-sitter ? », dit le premier ministre. « Vous avez un Bibi-sitter ! » Montage rythmé, lignes punchées, les publicités du Likoud (qui en dévoile environ une nouvelle chaque semaine) sont diablement efficaces et attirent de plus en plus l'attention hors d'Israël.

Habayit Hayehudi (Maison Juive)

L'ancien ministre de l'Économie Naftali Bennett a troqué son complet sombre pour se déguiser en parfait « hipster de Tel Aviv », avec les grosses lunettes, la chemise à carreaux et la casquette de baseball. On le voit alors s'excuser quand une serveuse renverse un café sur lui, s'excuser quand une dame lui vole le BIXI israélien qu'il s'apprêtait à enfourcher... Puis, le hipster hoche la tête, signe d'approbation, en lisant qu'Israël devrait s'excuser pour la débâcle de la flottille pour Gaza en 2010. Bennett enlève finalement son déguisement pour déclarer : « À partir d'aujourd'hui, nous allons cesser de nous excuser. »

Meretz

Laïc et social-démocrate, Meretz (six sièges à la Knesset en 2013) a répondu à sa façon à la parodie de Naftali Bennett. Dans ce clip diffusé en décembre, sa leader Zehava Gal-On s'habille en femme ultra-orthodoxe, comme si elle allait se moquer de la base électorale traditionnelle du parti Habayit Hayehudi. Mais elle ne va pas plus loin. « Meretz ne se moque pas de ses frères et soeurs », dit le message.

Parti travailliste

En voilà au moins un qui ne s'amuse pas dans les clips. Isaac Herzog (dit Buji), chef de l'opposition à la Knesset et membre de la coalition Union sioniste, réplique à Nétanyahou en lui conseillant de continuer « à faire le clown dans des clips, parce qu'en tant que premier ministre, vous avez échoué ». « La situation en Israël n'est pas drôle. Le fait que le tiers des enfants vivent sous le seuil de la pauvreté n'est pas drôle. Les jeunes couples qui vivent avec leurs parents parce qu'ils ne peuvent acheter une maison, ce n'est pas drôle non plus. »

Shas

Ici, le parti orthodoxe a misé sur l'ironie pour aller chercher le vote des « vrais » défavorisés. On y voit des électeurs qui se lamentent à propos du coût de la vie et de la misère de la classe moyenne israélienne tout en affichant leur carte de crédit dorée, leur bouffe bio ou leurs prochaines vacances au soleil. Près d'eux, presque invisibles et surtout méprisés, des compatriotes encore plus mal pris que cette classe moyenne. Fait intéressant : la publicité ne présente aucun personnage ultra-orthodoxe associé traditionnellement au parti.

CAPTURE D'ÉCRAN LA PRESSE

Extrait de la publicitié du Likoud 

CAPTURE D'ÉCRAN LA PRESSE

Extrait de la publicité D'Habayit Hayehudi