Les miliciens chiites ont utilisé de nouveau la force lundi, blessant dix personnes lors de la dispersion musclée à Sanaa d'une manifestation hostile à leur présence alors que les tractations pour sortir le Yémen de la crise sont au point mort.

Les États unis, alliés du Yémen dans la lutte contre Al-Qaïda, ont lancé leur première attaque de drone dans le pays depuis la démission jeudi du président Abd Rabbo Mansour Hadi, tuant trois membres présumés de l'organisation.

Plus la vacance de pouvoir dure, «plus le flou politique à Sanaa devient dangereux, ce qui rend plus probable le scénario de désintégration du Yémen», a averti le docteur Khaled Fattah, politologue spécialiste du Yémen au centre Carnegie.

Selon M. Fattah, l'Arabie saoudite ne «tolèrera pas» que son voisin yéménite devienne une entité proche de son rival, l'Iran chiite, accusé d'aider les miliciens chiites. Le pays le plus pauvre de la péninsule arabique est situé sur des trajectoires maritimes stratégiques pour l'exportation du pétrole.

Après avoir bloqué les accès de l'Université de Sanaa, point de ralliement de leurs adversaires, les miliciens chiites, dits houthis, sont entrés de force dans le campus pour y pourchasser, poignard en main, les rares personnes ayant osé s'y rassembler.

Au moins dix personnes ont été blessées dans ces violences, ont indiqué à l'AFP des témoins, en faisant état de l'arrestation de nombreux manifestants et d'un photographe de presse.

À Taëz, grande ville située au sud-ouest de la capitale, des milliers de personnes ont manifesté contre les houthis, selon des habitants.

Ils ont dénoncé la collusion entre l'ancien président Ali Abdallah Saleh, poussé au départ en 2012 par une révolte populaire, et les miliciens chiites en criant «le président déchu et les houthis ont le même objectif», qui est selon eux de s'emparer du pouvoir.

Les houthis avaient déjà tiré en l'air à balles réelles pour disperser un début de manifestation dimanche à l'Université de Sanaa, au lendemain d'une importante marche de leurs opposants dans la capitale. Ils avaient arrêté des manifestants et deux journalistes.

Après un sit-in devant le poste de police, les deux journalistes ont été remis en liberté en contrepartie d'un «engagement écrit» à ne plus couvrir de manifestation à Sanaa, a indiqué un militant de la société civile, Mohammed Saleh al-Saadi.

Blocage politique

Au niveau politique, quatre partis ont annoncé tard dimanche la fin des contacts avec les houthis pour convaincre le président Abd Rabbo Mansour Hadi de revenir sur sa démission.

Abdallah Noomane, chef du parti unioniste nassérien, a annoncé ce retrait, en accusant les houthis d'«arrogance», dans une déclaration à la presse.

Outre cette formation, les partis socialistes, Al-Islah (islamiste) et Al-Rachad (salafiste) étaient engagés dans ces contacts.

Le président Hadi a présenté jeudi sa démission en estimant que le pays était arrivé dans une «impasse totale» après le renforcement de l'emprise des houthis sur Sanaa.

Le Conseil de sécurité de l'ONU devait tenir lundi des consultations à huis clos sur la crise au Yémen, où le Parlement, qui devait se réunir en urgence pour discuter de la démission du président, a reporté sa session à une date non précisée.

L'émissaire de l'ONU au Yémen, Jamal Benomar, poursuit des contacts sur place avec les principaux protagonistes afin de faire appliquer l'accord politique du 21 septembre 2014 qui prévoyait un retrait des miliciens chiites de Sanaa.

En dépit de la situation chaotique dans le pays, le président américain Barack Obama s'est dit déterminé dimanche à continuer à traquer la branche d'Al-Qaïda implantée dans ce pays et considérée par Washington comme la plus dangereuse du réseau extrémiste.

Ces propos ont été suivis par une attaque de drone qui a coûté la vie, à l'est de Sanaa, à trois membres présumés d'Al-Qaïda, selon une source tribale.

Selon M. Fattah, «Washington va continuer sa campagne, quelle que soit la personne au poste présidentiel, et que ce poste soit occupé ou vacant».