Avec son fromage chaud, ses frites et sa sauce brune, la poutine du Québec a séduit le chef Marc Kandakji. Aujourd'hui aux fourneaux de son restaurant Marky's à Beyrouth, le Libanais s'est donné pour défi de servir la meilleure poutine du Liban.

«Vous voulez votre fromage fondant ou vous préférez qu'il fasse squik squik?», me demande d'emblée Marc Kandakji, propriétaire du Marky's à Beyrouth. Ce Libanais de 46 ans a ouvert son restaurant il y a tout juste un an et demi, avec l'intention de faire découvrir la poutine authentique du Québec à ses compatriotes.

C'est en 1989, alors qu'il venait de s'installer à Montréal pour fuir la guerre dans son pays, que Marc Kandakji a goûté à la poutine pour la première fois.

«Mes amis voulaient me faire goûter quelque chose de rustique. Au début, je n'étais pas fan, mais la poutine, c'est comme les sushis: plus tu en manges, plus tu y prends goût», raconte-t-il en riant au son de la radio Rouge FM, qu'il capte grâce à l'internet.

Maîtriser l'art de la poutine

Sa recette de poutine, Marc l'a perfectionnée pendant des mois avant de la servir à ses clients.

Le chef libanais diplômé en techniques de gestion hôtelière du Collège LaSalle, de l'école Cordon Bleu à Ottawa et de l'Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table de Reims, en France, produit d'ailleurs son propre fromage en grains et sa propre sauce brune dans son «laboratoire», dans le sous-sol de son restaurant.

«C'est une amie québécoise qui m'a donné la recette. Ça m'a pris six mois avant de réussir mon fromage, parce que le lait libanais n'a pas la même acidité que le lait canadien. Même chose pour la sauce brune. J'utilise 18 sortes d'épices», explique-t-il.

«Certains restaurants ici prétendent servir de la poutine, mais ils n'utilisent pas les bons ingrédients. Ils utilisent des cubes de mozzarella, par exemple. C'est n'importe quoi!»

En plus de la classique «poutine du Québec», Marc sert plusieurs de ses créations telles que la «chili poutine», la «Rio Grande poutine», la «Philly poutine» et même un hamburger fumé à l'érable.

Les saveurs du Québec

Amélie Demers-Lévesque est une cliente régulière du Marky's. Cette danseuse orientale originaire de Nicolet, établie à Beyrouth depuis trois ans, ne jure que par la poutine du chef libanais.

«J'aime la sauce. Elle est bien relevée et il y a un bon équilibre sucré-salé. Bien sûr, le fromage n'est pas du Riviera, mais la qualité est impressionnante!», affirme Amélie.

De l'autre côté de la salle, un groupe de Libanais partage une «meat poutine» - une poutine garnie de bacon, saucisses, champignons et oignons - installée au centre de la table. C'est la première fois qu'ils goûtent le plat québécois. «J'aime les ingrédients, mais la sauce est bizarre», dit Ralph Njeim, dans la vingtaine.

Le sourire aux lèvres, Marc ressort de la cuisine. Dans l'assiette: un carré de sucre à la crème et une queue de castor à la cannelle. «Surprise! Pour le temps des Fêtes, je mets la queue de castor en spécial au menu», dit-il fièrement.

Malgré le succès de son restaurant, le père de famille songe depuis quelque temps à retourner s'installer au Québec. Lorsque je lui demande pourquoi il n'y a pas de drapeaux du Québec ou du Canada dans son restaurant, il répond: «Je ne voulais pas faire de politique. Avec le groupe État islamique pas très loin, on ne sait jamais, ça pourrait être dangereux d'afficher de tels drapeaux. Si la situation dans le pays et dans la région ne s'améliore pas, je retournerai probablement au Québec.»