L'attente doit être insupportable. Du fond de son cachot, Raef Badawi ignore quand il recevra les 1000 coups de fouet auxquels il a été condamné pour avoir osé débattre de politique. Amnistie internationale et Reporters sans frontières font campagne pour le faire libérer. Une campagne qui mobilise beaucoup de gens au Québec, où la femme et les enfants de Raef Badawi sont réfugiés depuis un an.

Le Saoudien de 32 ans a été condamné à 10 ans de prison, 1 million de rials (308 000 $) d'amende et 1000 coups de fouet, un «châtiment complètement inacceptable», s'insurge Amnistie internationale.

Son crime? Être le cofondateur du Liberal Saudi Network, un site internet qui était un lieu de débats politiques et sociaux, fermé depuis par le gouvernement saoudien qui y voyait une violation de sa loi anticybercriminalité et une «insulte à l'islam».

De son côté, Reporters sans frontières a décerné son prix annuel de la liberté de presse à Raef Badawi et a lancé cette semaine un appel au roi d'Arabie saoudite, Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud, ainsi qu'une pétition. Objectif: que soit gracié celui que l'organisation qualifie de «net-citoyen» et de «citoyen-journaliste».

Pendant ce temps, Raef Badawi, dont la sentence a été confirmée en appel en septembre, ne sait toujours pas quand son châtiment lui sera infligé. Afin de s'assurer que les 1000 coups de fouet ne le tuent pas, le gouvernement saoudien a décidé de les lui administrer en 20 séances de 50 coups, le vendredi, devant une mosquée, après la prière.

«Entre chaque semaine, il ne pourra pas avoir le temps de cicatriser. On ne sait même pas si quelqu'un peut survivre à autant de coups de fouet», s'inquiète Mireille Elchacar, agente de développement régional en Estrie pour Amnistie internationale.

Si l'Estrie se préoccupe du sort de Raef Badawi, c'est que sa femme et ses trois enfants ont trouvé refuge à Sherbrooke, en novembre 2013. Une manifestation éclair a d'ailleurs eu lieu vendredi, devant le cégep, où une séance de coups de fouet a été simulée, pour demander sa libération.

Raef Badawi a été arrêté en 2012, dans la foulée du Printemps arabe, où son site internet était un des très rares espaces de discussion possibles dans un pays particulièrement autoritaire. «Il demandait plus de liberté pour les femmes, qui n'ont absolument aucun droit en Arabie saoudite, [...] il demandait un peu plus d'ouverture, un peu plus de liberté religieuse», raconte Mme Elchacar.

Un impact bien réel

À la pétition de Reporters sans frontières s'ajoute celle d'Amnistie internationale, qui a également mis l'accent sur le cas de Raef Badawi, notamment dans sa campagne de «cartes de voeux» à l'approche de la période des Fêtes.

«Plutôt que d'écrire au gouvernement, on écrit directement aux prisonniers pour les encourager», explique Mireille Elchacar, qui ajoute que cette campagne «a un taux de succès de plus de 66 %» pour obtenir justice et faire libérer des prisonniers politiques.

«Le pire ennemi d'un prisonnier politique, c'est le silence», indique Mme Elchacar, d'Amnistie internationale.

Le Canada a «évoqué» son cas

Ottawa confirme pour sa part avoir abordé le dossier avec les autorités saoudiennes. «Bien que M. Badawi ne soit pas un citoyen canadien, nous suivons sa situation avec attention dans le cadre de notre politique des droits de la personne, et avons évoqué son cas dans nos échanges avec l'Arabie saoudite», a indiqué par courriel un porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Canada, François Lasalle.

«Le Canada a un dialogue respectueux en cours avec l'Arabie saoudite sur plusieurs questions, ajoute M. Lasalle, y compris les droits de la personne.»

PHOTO RENÉ MARQUIS, LA TRIBUNE

Une nouvelle manifestation éclair a eu lieu à Sherbrooke, vendredi, devant le cégep.