La destruction de quatre immeubles civils à Gaza, en août dernier, constitue un «crime de guerre», sur lequel Israël interdit toujours à ONU d'enquêter, accuse un nouveau rapport d'Amnistie internationale.

À 3h30, le matin du 26 août dernier, le gardien de la tour al-Basha, au centre de Gaza City, a reçu un appel de l'armée israélienne lui ordonnant d'évacuer l'édifice dans les 20 prochaines minutes.

Des familles palestiniennes avaient trouvé refuge dans l'édifice, qui abritait une trentaine d'appartements, une station de radio, plusieurs commerces et des institutions d'éducation fermées depuis le début de l'opération Bordure protectrice, lancée par Israël près de 50 jours plus tôt.

Pendant que le gardien affolé réveillait les familles, deux «missiles d'avertissement» ont frappé le toit de l'immeuble.

À 4h30, une volée de missiles a détruit la tour de 13 étages, qui s'est effondrée sur plusieurs maisons et commerces environnants, évacués de justesse.

Yasser Mohammad Salim Sa'id, un habitant évacué, a vu l'explosion avec ses enfants. «Ce sont eux qui souffrent le plus, à cause de ce qu'ils ont vu, a-t-il confié à des chercheurs d'Amnistie internationale cet automne. Mes enfants ne sont plus capables de dormir. Même quand nous les tenons et les réconfortons, ils continuent à parler, parler, parler. Pouvez-vous imaginer un jeune enfant debout de 3h30 du matin à 23h30 le soir?»

Un autre habitant évacué, dont la maison a été détruite, a dit qu'aucun combat n'avait eu lieu dans le quartier avant qu'il soit ciblé. «J'habite ici depuis 35 ans. Je connais le quartier comme ma poche et je n'ai rien vu de particulier dans cette tour.»

Quatre cas

La destruction de la tour al-Basha est l'un des quatre cas analysés dans le rapport intitulé «Rien n'est à l'abri» déposé hier par Amnistie internationale. Après une enquête sur le terrain, l'organisation conclut que l'État d'Israël s'est rendu coupable de «crimes de guerre» en prenant pour cibles des bâtiments civils durant son offensive à Gaza, en juillet et en août.

«Aux yeux du droit international, donner un avertissement avant de bombarder un édifice civil ou commercial n'est pas une justification valide, a expliqué à La Presse Sunjeev Bery, directeur des politiques pour le Moyen-Orient et pour l'Afrique du Nord d'Amnistie internationale à Washington. Le gouvernement israélien doit être en mesure d'expliquer pourquoi des bâtiments où résident des civils sont détruits. Sinon, cela ressemble à une «punition collective, et il y a de forces chances qu'il s'agisse d'un crime de guerre».

Avant de diffuser son rapport, Amnistie internationale l'a fait parvenir au gouvernement israélien, qui n'a pas voulu réagir. Israël interdit aux inspecteurs de l'ONU et aux organisations humanitaires d'entrer à Gaza pour y mener leurs enquêtes.

«Nous avons dû embaucher des chercheurs locaux pour enquêter sur le terrain», explique M. Bery.

Amnistie internationale prépare aussi un rapport sur les crimes commis par le Hamas durant le conflit.

Hier, le gouvernement israélien a accusé le rapport d'Amnistie d'être «hors contexte» et a dit que ses missiles visaient des «infrastructures civiles utilisées pour des objectifs militaires».

«Destruction délibérée»

«Rien n'est à l'abri» est une expression employée dans les derniers jours du conflit par un porte-parole de l'armée israélienne pour décrire les intentions d'Israël à ce moment-clé des hostilités.

Amnistie note qu'elle suggère une politique de «punition collective, ce qui contrevient à la loi humanitaire internationale», ajoutant qu'Israël a déjà frappé un ou des appartements dans une tour, sans pour autant la détruire au complet, comme ç'a été le cas vers la fin du conflit. «Les faits relevés sur le terrain montrent que cette destruction à grande échelle était délibérée et n'avait pas de justification militaire», conclut le rapport.

La convention de Genève note: «Les propriétés des civils ne doivent pas faire l'objet d'attaques et de représailles. Attaquer des propriétés civiles, des objets qui ne sont pas des militaires, est un crime de guerre.»

Sunjeev Bery relève que les bâtiments détruits par les missiles israéliens n'ont pas été réparés, la bande de Gaza faisant toujours l'objet d'un blocus économique de la part d'Israël et de l'Égypte.

«Le gouvernement israélien refuse de reconnaître les faits, les données sur le terrain. Le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait jouer un rôle très important en confiant l'affaire à la Cour pénale internationale à La Haye. Malheureusement, les États-Unis ont empêché, de façon systématique, le Conseil de sécurité de se saisir du dossier.»