À la veille d'élections générales à Bahreïn, la dynastie sunnite s'est dite ouverte vendredi à un dialogue avec l'opposition chiite qui boycotte le scrutin et exige la fin du «monopole du pouvoir» dans ce royaume du golfe Persique allié de Washington.

Il s'agit des premières élections générales depuis la répression de la contestation lancée par la majorité chiite contre la dynastie des Al-Khalifa en 2011, dans la foulée du Printemps arabe.

Le taux de participation sera le principal enjeu du scrutin auquel sont convoqués 349 713 électeurs, selon les autorités.

Au terme d'une campagne terne de 266 candidats, majoritairement sunnites, en compétition pour 40 sièges de la Chambre des députés, la majorité chiite s'est fortement mobilisée pour assurer la réussite du boycottage, décidé par l'opposition qui est dominée par le mouvement Al-Wefaq.

Ainsi, après la prière du vendredi, des centaines de personnes ont manifesté à Diraz, village chiite à 20 km à l'ouest de Manama.

«Boycottage, boycottage», a répété la foule qui a défilé dans le village avant de se disperser. La police anti-émeutes a fait usage de gaz lacrymogène contre un petit groupe de protestataires, mais il n'y a pas eu de victime.

Dans un geste de défi, une urne de fortune, tenue par de jeunes cagoulés, a été installée dans une rue adjacente à la mosquée où des dizaines de personnes ont participé symboliquement à un «référendum», auquel avait appelé un groupe radical pour évaluer «la légitimité du régime».

Le mot d'ordre lancé par le Wefaq semble avoir été entendu : «Je ne voterai pas alors que mes voisins ont un fils en prison ou offert un martyr» lors de la répression des manifestations, a déclaré Ali, la soixantaine.

Leila Zeineddine, une jeune femme habillée tout en noir, était tout aussi décidée : «Nous n'irons pas voter et nous ne cèderons pas».

Jeudi soir, le chef du Wefaq, cheikh Ali Salmane, s'est adressé à des centaines de ses partisans dans une banlieue chiite de Manama pour les exhorter à boycotter le scrutin.

La lutte continue

«Nous allons poursuivre notre lutte pacifique» pour une véritable monarchie constitutionnelle, a-t-il dit, prédisant un taux de participation au scrutin ne dépassant pas les 30 %.

Dans un entretien à l'AFP, cheikh Salmane a expliqué que ce boycottage «témoigne d'un rejet par le peuple qui réclame des réformes démocratiques» et la fin du «monopole du pouvoir» par la famille régnante.

Il a en outre mis en garde contre le risque d'une «explosion» à Bahreïn dans le contexte de la vague de violences qui secoue le Moyen-Orient. «Toutes les éventualités sont malheureusement possibles (...) tant que le régime et l'opposition ne seront pas parvenus à une entente».

La ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement, Samira Rajab, a pour sa part indiqué que le pouvoir était prêt à reprendre le dialogue avec l'opposition.

«La porte du dialogue ne sera jamais fermée (...), y compris au Wefaq», a-t-elle dit à l'AFP.

Depuis le début de la contestation, émaillée de heurts qui ont fait «au moins 100 morts» selon un bilan cité jeudi par cheikh Salmane, l'opposition a participé à plusieurs rounds de dialogue national avant de quitter la table des négociations en estimant ne pas obtenir assez de concessions en vue de réformes de la part du pouvoir.

Une ultime proposition faite en septembre par le prince héritier, cheikh Salmane Ben Hamad Al-Khalifa, écouté par l'opposition, n'avait pas réussi à relancer ce dialogue.

«Nous ne pouvons pas livrer le pays au chaos», a cependant prévenu Mme Rajab, alors que l'opposition ne cesse de dénoncer une répression féroce de la part des autorités qui ont incarcéré et condamné des dizaines de dissidents chiites.

Elle a en outre dénoncé les interférences étrangères qui «compliquent la situation», en référence au voisin iranien, régulièrement accusé par Manama de soutenir l'opposition chiite.

De son côté, le chef du Wefaq n'a pas exclu une reprise du dialogue. «En cas d'accord politique qui place Bahreïn dans un cadre démocratique, même d'une manière progressive et concertée et selon un calendrier précis, nous aurons alors commencé à entrer dans une logique» de partenariat politique, a-t-il dit.