Israël a repris après des années la pratique controversée consistant à détruire les maisons d'auteurs d'attentat à Jérusalem, employant «la main de fer» promise par son premier ministre en représailles à l'attentat meurtrier commis mardi par deux Palestiniens.

Les services de sécurité israéliens ont fait sauter à l'aube l'appartement d'Abdelrahmane Shalodi à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël.

Le logement du quartier populaire de Silwan, où de nouveaux heurts ont éclaté dans l'après-midi entre jeunes palestiniens et policiers israéliens, n'est plus qu'un trou béant rempli de gravats entre deux étages. Les explosifs ont soufflé les parois dont l'une s'est écrasée sur une voiture en contrebas.

«Où allons-nous aller maintenant? Nous n'avons plus de maison», se lamente sur place Nibras, une jeune soeur.

C'est dans ce contexte houleux que la municipalité israélienne de Jérusalem a annoncé avoir approuvé la construction de 78 nouveaux logements dans deux quartiers de colonisation à Jérusalem-Est.

Outre les Shalodi, trois familles ont reçu une notification formelle que leur maison allait être détruite. Celle des auteurs de l'attentat de mardi à la synagogue doivent s'attendre à la même infortune. Le père d'un des deux assaillants a indiqué à l'AFP avoir été convoqué en soirée pour récupérer l'ordre de démolition de sa maison.

C'est la première fois depuis 2009 que les forces israéliennes mènent à Jérusalem même une telle opération perçue par les Palestiniens comme une insupportable punition collective mettant à la rue des familles entières. Ces démolitions punitives ont cependant cours en Cisjordanie occupée.

Dissuasif ou contre-productif? 

Au sein des forces israéliennes elles-mêmes, on apprécie diversement l'effet de ces démolitions, jugées dissuasives par certains, contre-productives par d'autres, et en tout cas susceptibles d'ajouter à des tensions déjà très vives.

Devant une situation de plus en plus explosive, les autorités israéliennes ont voulu montrer qu'elles tiendraient l'engagement du Premier ministre Benyamin Nétanyahou de réagir avec une poigne de fer à la série d'attentats récents et à celui perpétré mardi dans une synagogue de Jérusalem-Ouest.

Deux cousins, Oudaï et Ghassan Abou Jamal, armés de hachoirs et d'un pistolet, y ont tué quatre rabbins et un policier avant d'être abattus. C'est l'attaque la plus meurtrière et la première contre un lieu de culte juif à Jérusalem depuis 2008. Elle a avivé les craintes que les violences ne prennent un redoutable tour confessionnel.

Mercredi, des milliers de personnes ont participé dans un village druze du nord d'Israël aux funérailles du policier tué.

Le pape François a exprimé sa «préoccupation (devant) l'augmentation alarmante de la tension à Jérusalem et dans d'autres zones de Terre Sainte, avec des épisodes inacceptables de violences qui n'épargnent même pas les lieux de culte».

Le Conseil de sécurité de l'ONU a unanimement condamné mercredi «l'attaque terroriste méprisable» de la veille, appelant responsables israéliens et palestiniens à rétablir la paix.

La Jordanie a joint sa voix au concert international de condamnations. Terre d'accueil d'environ deux millions de réfugiés palestiniens selon l'ONU, elle a lancé un appel à «la retenue et au calme», non sans dénoncer à nouveau les «agressions répétées» auxquelles se livrerait Israël sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est.

La Jordanie est la gardienne de ce site ultra-sensible.

L'attaque de mardi est le point d'orgue d'une série d'attentats et de plusieurs mois de violences.

Abdelrahmane Shalodi est l'auteur de l'une de ces attaques qui font redouter un embrasement généralisé. Le 22 octobre, il a tué un bébé israélo-américain et une Equatorienne de 22 ans en fonçant avec sa voiture sur un arrêt du tramway à Jérusalem. Un acte délibéré pour la police, qui l'a aussitôt abattu, un accident pour la famille.

Logistique minimale 

Abdelrahmane Shalodi incarne pour les spécialistes de la sécurité la menace de personnes agissant à titre individuel, mais capables de frapper les esprits avec une logistique minimale.

Depuis l'été, Jérusalem a été le théâtre de plusieurs attaques meurtrières, mais aussi d'affrontements devenus quotidiens entre jeunes palestiniens et policiers israéliens.

L'exaspération des Palestiniens devant l'occupation, l'accélération de la colonisation israélienne, les arrestations par centaines depuis l'été ou le chômage est catalysée par l'inquiétude religieuse quant au statut de l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam et site le plus sacré du judaïsme. Les musulmans s'alarment de l'éventualité que l'État hébreu ne cède aux pressions d'une minorité d'extrémistes juifs réclamant d'y prier.