Les monarchies du Golfe ont éteint l'incendie qui menaçait leur groupement régional après d'apparentes concessions du Qatar, accusé pendant huit mois d'ingérence chez ses voisins et de liens suspects avec les Frères musulmans, selon des analystes.

Au terme d'un mini-sommet surprise dimanche soir à Riyad, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont annoncé que leurs ambassadeurs allaient retourner au Qatar, d'où ils avaient été rappelés le 5 mars, mais aucune date n'a encore été fixée pour ce retour à Doha.

La réconciliation affichée à Riyad, après une médiation koweïtienne, a permis de désamorcer une crise sans précédent depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et a ouvert la voie à la tenue en décembre à Doha du sommet annuel du groupement régional.

De l'avis de nombreux experts, les pays arabes du Golfe ne pouvaient pas laisser se perpétuer leurs divisions au vu des crises multiples qui secouent le Moyen-Orient et des pions avancés dans ce contexte par leur rival, l'Iran.

Ces riches monarchies pétrolières craignent aussi pour leur sécurité après leur engagement dans la coalition montée par les États-Unis contre le groupe armé État islamique (EI) en Irak et en Syrie.

«L'important, c'est que la plus grave crise que le CCG ait connue depuis 33 ans a été surmontée», a commenté l'analyste émirati Abdulkhaleq Abdulla, ajoutant : «Le retour des ambassadeurs signifie que la page du différend est tournée».

Cependant, certains diplomates aux Émirats se montrent plus prudents, notant qu'aucune date précise n'a été annoncée pour le retour des ambassadeurs au Qatar et qu'il s'agissait avant tout pour les leaders du CCG d'afficher leur unité et de rendre grâce à la médiation koweïtienne.

En rappelant leurs ambassadeurs, Riyad, Abou Dhabi et Manama avaient accusé le Qatar de s'ingérer dans leurs affaires, de déstabiliser la région par son soutien aux Frères musulmans, de servir de refuge à des islamistes d'autres pays arabes et de naturaliser des Bahreïnis sunnites.

Quels engagements?

Pour désamorcer la crise, «le Qatar devait prendre des engagements importants (....) après une période d'atermoiements», explique M. Abdulla.

Aucune indication n'a été fournie par les leaders du CCG sur les modalités de leur entente et les concessions que Doha aurait faites pour dénouer la crise. Le Qatar «a certainement lâché quelque chose», estime une source aux Émirats.

Selon l'analyste koweïtien Ayed al-Mannaa, le Qatar a «pris des mesures pour satisfaire les demandes de ses partenaires, notamment celle faite à certaines personnalités proches des Frères musulmans de quitter le Qatar».

Il se référait au départ annoncé en septembre de certaines figures de la confrérie mondiale, classée organisation «terroriste» en Arabie saoudite et aux Émirats.

En outre, ajoute-t-il, «il semble que le Qatar ait accepté de cesser de naturaliser ou d'accueillir des ressortissants (de pays voisins) recherchés par leurs gouvernements».

L'expert relève toutefois que la ligne éditoriale de la chaîne de télévision Al-Jazeera, contestée par les voisins du Qatar pour sa couverture jugée favorable notamment aux Frères musulmans en Égypte, ne semble pas avoir changé.

Selon l'analyste koweïtien, le jeune émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, peine à modifier les orientations politiques tracées du temps du règne de son père, qui avait abdiqué en sa faveur en 2013 et est toujours en vie.

Le règlement de la crise était une urgence dans un contexte marqué par l'essor de groupes islamistes extrémistes et la guerre contre l'EI à laquelle participent toutes les monarchies du CCG, sauf Oman.

Washington a certainement fait passer des messages pour rapprocher les points de vue et l'Arabie saoudite a fait pression sur les Émirats pour qu'ils se montrent moins intransigeants, croit savoir un expert.

Le communiqué de Riyad a salué «un CCG solide et resserré dans les circonstances délicates que vit la région et qui nécessitent la conjugaison des efforts pour préserver la sécurité et la stabilité régionales».

Le ministère qatari des Affaires étrangères a pour sa part remercié le roi Abdallah d'Arabie saoudite pour son «ardeur à parvenir au succès nécessaire qui répond aux attentes des peuples des pays du Golfe».