Des dizaines d'extrémistes juifs ont été empêchés jeudi par la police israélienne d'accéder à l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, alors que le premier ministre Benyamin Nétanyahou tentait de désamorcer la colère des musulmans sur cette question ultra-sensible.

Environ 150 extrémistes juifs, des jeunes religieux pour la plupart, s'étaient dirigés en soirée vers la Vieille ville que surplombe l'esplanade pour réclamer non seulement le droit d'y prier, mais aussi de reprendre possession de ce qu'ils appellent le mont du Temple.

Mais les policiers ne les ont pas laissés s'approcher de l'esplanade ni même se rendre au mur des Lamentations, au pied de l'esplanade, et les manifestants ont dû prier devant le poste contrôlant l'accès au mur.

La police a parallèlement annoncé que les hommes musulmans de moins de 35 ans ne pourront pas entrer sur le site de l'esplanade pour la prière du vendredi en raison d'informations indiquant que «des jeunes arabes avaient l'intention de semer le désordre» après la prière.

Dans le climat de crispation qui enveloppe Jérusalem-Est depuis l'été, l'appel des extrémistes juifs à marcher «jusqu'aux portes du mont du Temple» faisait redouter une nouvelle flambée de violences après celle que ces mêmes ultras avaient provoquée la veille sur l'esplanade et qui s'est ensuite propagée à plusieurs quartiers.

«Usurpateurs»

«Les propriétaires légitimes (de ce site), c'est nous. Eux ne sont que des usurpateurs», a affirmé jeudi l'ancien député Michael Ben Ari en parlant des Palestiniens, qualifiés de «terroristes».

De telles déclarations incendiaires ne peuvent qu'être perçues comme des provocations par les Palestiniens et les musulmans dans leur ensemble.

Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël, est en proie depuis l'été à des troubles qui se sont intensifiés ces dernières semaines. Neuf personnes, dont quatre auteurs présumés d'attaques, ont été tuées depuis juillet.

Troisième lieu saint de l'islam, l'esplanade des Mosquées est au coeur des tensions. Les extrémistes juifs indignent les musulmans en réclamant le droit de prier sur un site qu'ils vénèrent comme celui du Temple juif détruit par les Romains en l'an 70 et dont l'unique vestige est le mur des Lamentations, en contrebas. Les plus ultras dressent des plans pour le reconstruire.

Les musulmans s'inquiètent du risque que le premier ministre israélien ne cède à la pression pour donner des gages à l'ultra-droite en vue des élections attendues en 2015.

Ils protestent contre les atteintes israéliennes, répétées selon eux, envers le caractère sacré du site. Mercredi, des policiers étaient entrés de plusieurs mètres à l'intérieur de la mosquée Al-Aqsa, située sur l'esplanade.

La Jordanie, gardienne du site, a rappelé son ambassadeur en Israël. L'un des deux seuls pays arabes à avoir conclu un accord de paix avec Israël s'est dit prêt à prendre d'autres mesures.

M. Nétanyahou a toutefois tenté jeudi de rassurer le roi Abdallah II de Jordanie. «Je lui ai dit que nous conservions le statu quo sur le mont du Temple», a dit le premier ministre israélien.

Entériné en 1967, ce statu quo permet aux juifs de visiter l'esplanade sans pouvoir y prier.

Les heurts continuent

Selon le palais jordanien, le roi «a rappelé que la Jordanie refusait fermement toute mesure compromettant le caractère sacré du sanctuaire d'Al-Aqsa».

Occupation, guerre à Gaza, colonisation, arrestations, brimades, chômage... Une conjonction de facteurs explique les crispations qui font craindre une troisième Intifada. Mais l'esplanade des Mosquées représente une véritable «ligne rouge».

Environ 200 Palestiniens ont encore échangé avec les policiers israéliens pétards puissants, pierres, gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et projectiles en caoutchouc dans le camp de réfugiés de Chouafat, selon un photographe de l'AFP. Des heurts ont également éclaté dans le quartier d'Issaouiya.

Les forces de sécurité ont entrepris de disposer des blocs de béton pour protéger les arrêts de tramway de nouvelles attaques à la voiture piégée, dont la dernière en date a fait un mort mercredi et dont l'auteur a été abattu.

Depuis une première attaque de la sorte le 22 octobre, «188 personnes, dont 71 mineurs, ont été arrêtées» à Jérusalem-Est, a indiqué la police. Depuis l'été, ce sont près d'un millier de Palestiniens qui ont été interpellés.

Le ministre israélien de la Défense Moshe Yaalon a par ailleurs interdit «Jérusalem pour le développement», une association caritative qui est «le front légal pour les activités du Hamas à Jérusalem-Est», selon son bureau.

Un officier de la police avait accusé dimanche l'association d'être derrière une partie des troubles sur l'esplanade.