Jérusalem a connu mercredi une de ses pires flambées de violence récentes avec une nouvelle attaque à la voiture bélier qui a fait un mort et des heurts sur le site ultra-sensible de l'esplanade des Mosquées.

Dix heures plus tard, un autre chauffeur palestinien a foncé sur un groupe de soldats israéliens au sud de Bethléem, en Cisjordanie occupée, faisant trois blessés dont un dans un état critique.

En soirée, les affrontements se poursuivaient par intermittence entre Palestiniens et policiers israéliens à Jérusalem-Est, partie arabe de la ville occupée et annexé par Israël en proie à des violences depuis plusieurs semaines.

Jérusalem va au-devant d'une nouvelle journée à risques jeudi, les ultras juifs ayant appelé à manifester de nouveau en direction de l'esplanade en fin d'après-midi.

Les violences et les fortes tensions dans la ville sainte, qui font craindre une troisième Intifada, ont éclaté le matin avec notamment une attaque à la voiture bélier commise par un Palestinien de 38 ans, Ibrahim al-Akari, qui a tué un policier israélien.

L'assaillant a percuté avec son van un groupe de policiers, avant de faucher des piétons sur une artère séparant Jérusalem-Ouest et Jérusalem-Est, puis de sortir de son véhicule pour attaquer les passants avec une barre de fer, selon la police qui l'a immédiatement abattu.

Une attaque similaire avait été perpétrée il y a deux semaines non loin de là, tuant un bébé israélo-américain et une Equatorienne. L'auteur avait aussi été tué.

Ibrahim al-Akari était originaire du camp de réfugiés de Chouafat, l'un des quartiers de Jérusalem-Est les plus en proie aux tensions.

Vers 22h00 locales, un autre conducteur palestinien a foncé sur un groupe de soldats israéliens en faction à l'extérieur du camp de réfugiés palestiniens d'El-Arub.

«Un soldat est dans un état critique, deux présentent des blessures légères», a annoncé le porte-parole de l'armée, précisant que le chauffeur avait réussi à prendre la fuite et était «activement recherché».

Nétanyahou accuse Abbas 

Sans revendiquer l'attentat de Jérusalem, le mouvement islamiste Hamas s'en est félicité, assurant que son auteur était l'un de ses membres.

Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a vu dans cette attaque «la conséquence directe des agissements (du président palestinien Mahmoud Abbas) et de ses partenaires du Hamas qui excitent les esprits».

A l'étranger, le secrétaire d'État américain John Kerry a condamné un attentat «terroriste» qui attise les tensions, alors que la nouvelle chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a estimé qu'il était «la preuve douloureuse de la nécessité de faire de sérieux efforts en vue d'un processus de paix durable».

Outre l'attaque palestinienne, des affrontements entre jeunes Palestiniens et policiers israéliens avaient éclaté dès le matin, sur l'esplanade des Mosquées, où la visite d'une centaine d'extrémistes juifs réclamant le droit de prier sur le troisième lieu saint de l'islam a attisé les braises.

Également sacrée pour les juifs, l'esplanade est sous le régime d'un statu quo qui prévoit qu'ils peuvent s'y rendre mais pas y prier.

Des Palestiniens s'étaient retranchés sur l'esplanade la nuit dernière. Quand la porte des Maghrébins, par laquelle passent les non-musulmans, s'est ouverte, des manifestants masqués ont lancé des pierres et des pétards sur les policiers israéliens venus pour protéger le groupe, toujours selon la police.

Policiers israéliens dans la Mosquée 

Les policiers ont pénétré sur l'esplanade et repoussé les Palestiniens à l'intérieur de la mosquée Al-Aqsa, selon des témoins.

Fait exceptionnel, ils sont entrés dans la très vénérée mosquée où des tapis calcinés témoignaient de début d'incendies provoqués par leurs grenades. Selon un employé du Croissant rouge palestinien, 39 personnes ont été blessées. Cette incursion a été ressentie comme une grave provocation.

La Turquie a dénoncé «un véritable acte de barbarie» et la Jordanie, qui gère l'esplanade des mosquées, a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv.

«La Jordanie considère que les actes graves et scandaleux commis par Israël sont une escalade sans précédent», a écrit l'ambassadrice jordanienne à l'ONU Dina Kawar dans une lettre au président du Conseil de sécurité, affirmant qu'Amman était prêt à prendre des mesures pour stopper les attaques israéliennes.

Les heurts se sont ensuite propagés aux alentours immédiats de l'esplanade dans la Vieille ville, transformé en camp retranché.

A plusieurs reprises, les policiers ont tiré gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et projectiles en caoutchouc pour éloigner les groupes attroupés aux portes de l'esplanade.

Les extrémistes juifs répondaient à un appel à se rendre massivement sur l'esplanade en soutien à Yehuda Glick, une figure de la droite ultra-religieuse qui milite pour le droit des juifs à y prier.

M. Glick a été grièvement blessé par balles la semaine passée et son agresseur présumé, un Palestinien, a été abattu par des policiers israéliens.

Ces derniers mois, les activistes juifs se sont faits plus bruyants pour obtenir le droit de prier sur l'esplanade, et les musulmans s'alarment de l'éventualité que le gouvernement israélien cède à leurs pressions.

M. Nétanyahou a plusieurs fois affirmé n'avoir aucune intention de changer le statu quo.

Poursuite des heurts

Après une accalmie en fin de matinée, des incidents ont à nouveau mis aux prises Palestiniens et policiers israéliens aux abords de la Vieille ville, ainsi que dans le camp de réfugiés de Chouafat et dans les quartiers d'Issaouiya et al-Tor.

Ce nouvel accès de fièvre faisait suite à l'appel lancé mardi par des extrémistes juifs à se rendre massivement mercredi sur l'esplanade en soutien à Yehuda Glick, une figure de la droite ultranationaliste juive qui milite pour le droit des juifs à prier sur l'esplanade.

M. Glick avait été grièvement blessé par balle la semaine passée et son agresseur présumé, un Palestinien, avait été abattu le lendemain par des policiers israéliens.

Également sacrée pour les juifs, l'esplanade est sous le régime d'un statu quo qui prévoit que les juifs ne peuvent y prier. Au cours des derniers mois cependant, les activistes juifs se sont faits plus bruyants pour obtenir ce droit.

Les musulmans s'alarment de l'éventualité que le gouvernement israélien cède aux pressions des ultras et accède à leur requête.

Le premier ministre israélien a plusieurs fois affirmé n'avoir aucune intention de changer le statu quo.

Les tensions à Jérusalem-Est sont causées par une conjonction de facteurs, mais pour les Palestiniens, Al-Aqsa est une «ligne rouge».

Amman rappelle son ambassadeur en Israël

La Jordanie, liée à Israël par un traité de paix, a rappelé mercredi son ambassadeur à Tel-Aviv et annoncé son intention de porter plainte à l'ONU contre les «violations israéliennes répétées» sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem.

Le premier ministre Abdallah Nsour a demandé à son chef de la diplomatie Nasser Joudeh de «rappeler l'ambassadeur jordanien à Tel-Aviv pour protester contre l'escalade israélienne contre l'esplanade des Mosquées», selon l'agence officielle Petra. Il lui a aussi demandé de «porter plainte devant le Conseil de sécurité de l'ONU contre les attaques répétées d'Israël contre les lieux saints musulmans», a ajouté Petra.

La délégation jordanienne à l'ONU a entamé les procédures nécessaires pour présenter une telle plainte, selon l'agence. La Jordanie est membre non permanent du Conseil de sécurité.

«Nous regrettons la décision jordanienne, qui ne contribue pas à apaiser l'atmosphère, bien au contraire», a réagi le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon.

«Nous attendons de la Jordanie qu'elle condamne la violence initiée et dirigée de Ramallah (en Cisjordanie) et le meurtre d'innocents qui en résulte», a-t-il dit dans un communiqué, en allusion à l'Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas.

La Jordanie a conservé la gestion de l'esplanade, au moment de l'occupation de Jérusalem-Est en 1967. Il est le seul État arabe, avec l'Égypte, à avoir signé avec Israël un traité de paix, conclu il y a juste 20 ans.

De son côté, la confrérie jordanienne des Frères musulmans, l'un des principaux partis d'opposition, a annoncé sur son compte Twitter qu'elle organiserait vendredi après la prière hebdomadaire une importante manifestation à Amman pour exprimer «la colère» du peuple jordanien contre les «incursions quotidiennes des autorités d'occupation dans la mosquée Al-Aqsa».

Le roi jordanien Abdallah II a promis dimanche que son pays ferait tout pour protéger les lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem.

PHOTO AMMAR AWAD, archives REUTERS

Un policier israélien a été tué et une dizaine de personnes blessées quand un homme a percuté avec sa fourgonnette des piétons traversant la rue séparant Jérusalem-Ouest et Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la Ville sainte occupée et annexée par Israël.