Israël a décidé jeudi de rouvrir l'ultra-sensible esplanade des Mosquées à Jérusalem, afin de désamorcer une situation qui menaçait de devenir explosive s'il maintenait la mesure rarissime de fermeture vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire musulmane.

Une porte-parole de la police, Luba Samri, a indiqué à l'AFP en début de soirée que l'esplanade, troisième lieu saint de l'islam également vénéré par les juifs, rouvrirait vendredi à 0 h (jeudi18 h au Québec), après être restée fermée toute la journée de jeudi.

C'était la première fois que l'esplanade était fermée depuis 1967 et l'annexion par Israël de la partie palestinienne de Jérusalem, a affirmé à l'AFP la fondation qui gère le site.

Cette fermeture avait été imposée par les Israéliens, qui contrôlent les accès à l'esplanade, devant une nouvelle escalade des tensions.

Depuis mercredi soir, Jérusalem a été le théâtre d'une tentative d'assassinat contre une figure de la droite ultranationaliste juive, de la mort de son agresseur présumé, tué par les policiers, et de multiples heurts entre jeunes Palestiniens et policiers israéliens.

L'esplanade rouverte avant les prières de l'aube restera interdite par précaution aux hommes de moins de cinquante ans, a précisé la porte-parole de la police.

En la gardant close, Israël aurait pris un risque considérable.

«Assassinat pur et simple» 

Le président palestinien Mahmoud Abbas a ainsi qualifié de «déclaration de guerre» la fermeture de l'esplanade ainsi que les agissements israéliens à Jérusalem-Est. 

Jérusalem-Est est en proie depuis quelques mois, et plus encore depuis une semaine, à des violences qui font craindre une troisième Intifada, du nom des soulèvements palestiniens contre l'occupation israélienne qui ont fait des milliers de morts. Le statut de l'esplanade des Mosquées est l'une des causes majeures des tensions.

Celles-ci sont encore montées d'un cran mercredi soir avec la tentative d'assassinat contre Yehuda Glick, l'une des figures de la droite ultranationaliste juive qui horripile les musulmans en réclamant le droit de prier sur le mont du Temple, nom juif de l'esplanade des Mosquées.

Colon et rabbin de 48 ans, Glick a été visé par un motocycliste qui a ouvert le feu sur lui à Jérusalem-Ouest alors qu'il sortait précisément d'un débat portant sur le mont du Temple. Touché par balles au ventre, à la poitrine, au cou et à la main selon son père, il se trouvait jeudi dans un état grave mais stable.

Jeudi à l'aube, les policiers ont abattu son agresseur présumé, Muataz Hijazi, un Palestinien de 32 ans, sur le toit de la maison familial à Jérusalem-Est. Hijazi a été tué lors d'un échange de tirs avec la police, a assuré cette dernière.

Pour nombre d'habitants du secteur, épicentre des troubles depuis une semaine, les policiers se sont en fait livrés à un «assassinat pur et simple».

Muataz Hijazi aurait passé dix ans dans une prison israélienne «pour activités terroristes» selon la radio israélienne. Le mouvement radical Djihad islamique l'a présenté comme l'un de ses membres.

Dans la Vieille ville aussi 

L'intervention en force de la police dans ce secteur déjà placé sous haute surveillance a provoqué des affrontements violents une bonne partie de la journée entre jeunes Palestiniens et policiers israéliens qui se sont affrontés à coups de pierres, pétards, projectiles en caoutchouc et grenades assourdissantes.

Devant ce nouvel accès de fièvre, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a annoncé l'envoi de nouveaux renforts de police «significatifs» à Jérusalem.

La police a été placée en état d'alerte sur tout le territoire. Les forces de sécurité étaient présentes en nombre dans les ruelles de la Vieille ville, que surplombe l'esplanade des Mosquées et dans laquelle les commerçants ont baissé leurs rideaux.

La Vieille ville a retenti elle aussi de puissantes déflagrations et, là encore, les policiers israéliens se heurtaient sporadiquement à de petits groupes, a constaté une journaliste de l'AFP.

Le statut de l'esplanade des Mosquées est une «ligne rouge» pour les Palestiniens. Les juifs sont autorisés à la visiter, mais pas à prier, par crainte des incidents.

Les musulmans s'alarment de l'intention prêtée au gouvernement israélien d'autoriser les juifs à y prier. Ils s'indignent de ce qu'ils perçoivent comme des provocations de la part de juifs ultras qui accèdent à l'esplanade sous le couvert d'une visite et qui se mettent à prier.

M. Nétanyahou a répété jeudi n'avoir aucune intention de changer le statut de ce lieu saint.

Mais les crispations ont aussi été exacerbées par une série d'évènements depuis juin, la guerre de Gaza, la poursuite de la colonisation par Israël, les brimades permanentes dont les Palestiniens se disent victimes.

Par ailleurs, les perspectives d'une reprise des efforts pour résoudre un conflit israélo-palestinien vieux de plus de 65 ans n'ont jamais paru aussi sombres.

Dans ce contexte, la Suède a décidé de presser le mouvement sans attendre une solution négociée entre Israéliens et Palestiniens, et a reconnu jeudi officiellement l'État de Palestine.

«Terrorisme d'État»

La Jordanie a dénoncé vigoureusement jeudi la fermeture par Israël de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem, le troisième lieu saint de l'islam, et accusé ce pays de «terrorisme d'État».

Le ministre jordanien des Affaires islamiques et du Waqf (Biens religieux), Hayel Daoud, s'en est pris à Israël pour avoir «fermé les portes de la mosquée Al-Aqsa et interdit aux fidèles d'y entrer», selon l'agence officielle Pétra.

Il a exhorté «les États du monde épris de paix à aider la Jordanie à faire pression sur les autorités de l'occupation (israéliennes, NDLR) afin qu'elles lèvent le blocus terroriste» imposé à l'esplanade des Mosquées.

«Cette mesure constitue une escalade dangereuse de la part des autorités de l'occupation et un terrorisme d'État que l'on ne peut ni accepter ni garder sous silence», a-t-il ajouté.

La Jordanie contrôle la fondation islamique qui gère l'esplanade. Elle est le seul pays arabe, avec l'Égypte, à être lié à Israël par un traité de paix, conclu il y a juste 20 ans.

Un acte «hostile» et «barbare»

Al-Azhar, l'une des plus prestigieuses autorités de l'islam sunnite, basée en Égypte, a dénoncé jeudi comme un acte «hostile» et «barbare» la fermeture par Israël de l'esplanade des Mosquées.

Al-Azhar a mis en garde dans un communiqué contre cet «acte hostile», accusant Israël de vouloir «prendre le contrôle de la mosquée Al-Aqsa» et appelant «le monde musulman et la communauté internationale à intervenir immédiatement pour stopper cet acte barbare qui exacerbe le conflit religieux et conduit à l'instabilité dans la région», selon l'agence de presse officielle Mena.